Dominique Meeùs
Dernière modification le   
Louis Ségal, Principes d’économie politique : versions, table des matières, index des notions — Retour au dossier marxisme

La valeur créée par la dépense de la force de travail

Up: 2. La plus-value Previous: Valeur d’usage et valeur de la force de travail Next: La production de la plus-value

De même qu’il faut distinguer entre le travail et la force de travail, de même il convient de discerner, sans jamais les confondre, la valeur de la force de travail et la valeur créée par la dépense de cette force de travail. L’ouvrier qui travaille dans une entreprise capitaliste, mettons huit heures par jour, crée une valeur de huit heures. Mais il n’en découle nullement qu’il faudra dépenser huit heures de travail pour la production des moyens d’existence de l’ouvrier. Admettons que tous les moyens d’existence de l’ouvrier se ramènent à deux kilogrammes de pain par jour. Cette quantité de pain contient tant de substances nutritives que l’ouvrier, l’ayant consommée, reçoit la quantité d’énergie nécessaire pour travailler pendant huit heures et pour créer une valeur de huit heures. Le temps pendant lequel l’ouvrier peut travailler ne dépend nullement du temps socialement nécessaire à la production de deux kilogrammes de pain. Pour la production de deux kilos de pain, il faut aujourd’hui mettons six heures. Si dans un mois ou dans un an, par suite de l’augmentation de la productivité du travail dans l’agriculture, il n’en fallait plus que quatre heures, les deux kilos de pain renfermeraient la même quantité de substances nutritives qu’avant, qui permettent à l’ouvrier de travailler pendant huit heures.

La valeur journalière ou hebdomadaire de la force de travail est tout à fait différente de l’exercice journalier ou hebdomadaire de cette force, tout comme la nourriture dont un cheval a besoin et le temps pendant lequel il peut porter son cavalier sont des choses tout à fait distinctes. La quantité de travail qui limite la valeur de la force de travail de l’ouvrier [c’est-à-dire la quantité de travail nécessaire p. 80à la production de ses moyens d’existence] ne constitue en aucun cas la limite de la quantité de travail que peut exécuter sa force de travail.

K. Marx, Travail salarié et capital, suivi de Salaires, prix et profits, p. 124. Éditions Sociales Internationales. Paris, 1931.

Cela signifie que l’ouvrier peut travailler plus de temps qu’il ne faut pour la production de ses moyens d’existence, que l’ouvrier peut produire une valeur plus grande que celle de sa force de travail.

Cette capacité de l’ouvrier de produire une plus grande valeur que celle de sa force de travail n’est pas quelque chose de surnaturel. Cette capacité exprime la force productive du travail social qui est le produit du développement historique. À l’époque primitive, aux stades embryonnaires de la civilisation, quand l’homme venait seulement de sortir de l’état animal, il devait dépenser tout son temps à la recherche de moyens d’existence. Ce n’est que peu à peu, à mesure du développement des forces productives, que la production des moyens d’existence nécessaires a demandé moins de temps et a permis la constitution des excédents des produits. Ainsi est devenue possible l’existence d’une partie de la société aux dépens de l’autre, en d’autres termes, l’exploitation de l’homme par l’homme. La société se divisa en classes, en exploiteurs et en exploités.

Toute exploitation implique un certain degré de développement de la productivité du travail.

Si le travailleur a besoin de tout son temps pour produire les moyens de subsistance nécessaires à la conservation de sa race et de sa propre personne, il ne lui reste pas de temps pour travailler gratuitement pour des tiers. Sans un certain degré de productivité du travail, pas de temps disponible de cette espèce pour le travailleur ; sans temps excédentaire de cette espèce, pas de surtravail, et par conséquent pas de capitalistes, mais pas de maîtres d’esclaves non plus, ni de barons féodaux, bref, pas de classe de grands propriétaires.

Marx, Le Capital, Livre I, P.U.F., Paris, 2009, p. 573.

Lorsque naquit la production capitaliste, elle se trouva en présence d’un niveau de développement des forces productives où l’ouvrier pouvait travailler plus de temps qu’il n’en faut pour la production de ses moyens de subsistance. Le capitalisme développa encore plus la productivité du travail et diminua ainsi le temps nécessaire à la production des moyens de subsistance de l’ouvrier. Mais la valeur de la force de travail ne détermine pas la durée pendant laquelle s’exerce cette dernière.

p. 81

La capacité de l’ouvrier salarié de produire une valeur plus grande que celle de sa force de travail découle non des propriétés physiques innées à l’ouvrier, mais est le résultat du développement historique de la société.

Le rapport capitaliste nait d’ailleurs sur un sol économique qui est lui-même le produit d’un long processus de développement. La productivité du travail qui lui sert de base de départ n’est pas un don de la nature, mais le résultat d’une histoire qui englobe des milliers de siècles.

Marx, Le Capital, Livre I, P.U.F., Paris, 2009, p. 574. (C’est Ségal qui souligne.)

La force de travail est la capacité humaine de travailler. Dans la société capitaliste, la force de travail est une marchandise. La valeur de la force de travail est déterminée par la quantité de travail nécessaire à la production des moyens de subsistance de l’ouvrier et de sa famille. Cette valeur est moins grande que celle créée par un ouvrier ayant consommé ces moyens de subsistance, car la force productive du travail social est telle que l’ouvrier peut travailler plus de temps qu’il ne faut pour la production de ces moyens de subsistance.

Up: 2. La plus-value Previous: Valeur d’usage et valeur de la force de travail Next: La production de la plus-value