Dominique Meeùs
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4. La quantité d’argent nécessaire à la circulation

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Donc, l’argent remplit une double fonction : moyen de circulation et moyen de paiement. Qu’est-ce qui détermine la quantité totale de l’argent nécessaire à la circulation ? Cette quantité n’est pas une grandeur invariable, elle dépend de beaucoup de facteurs. Les principaux facteurs qui déterminent la quantité d’argent mis en circulation sont les suivants :

a) Le total des prix des marchandises à vendre. — Plus on vend de marchandises dans un pays donné dans un laps de temps donné, plus il faut d’argent pour leur réalisation. Si la somme des prix de toutes les marchandises atteint 100 millions de francs, il faudra deux fois moins d’argent que pour une masse de marchandises de 200 millions de francs.

b) La vitesse de la circulation de l’argent. — Si la croissance de la somme des prix des marchandises provoque la croissance de la quantité d’argent en circulation, l’accélération de la circulation de l’argent diminue cette quantité. Admettons que trois marchandises quelconques de cinq francs chacune soient mises en vente sur le marché, soit un quintal de blé, une paire de bottes et cinq mètres de toile. Admettons que chacune de ces ventes ne soit pas liée aux deux autres, c’est-à-dire que A vende à B du blé, que C vende à D des bottes et que E vende à F de la toile. Dans chaque cas, l’argent ne passera qu’une fois de main en main ou fera un seul tour. La quantité de l’argent en circulation sera égale à la somme des prix des marchandises, soit 15 francs.

Supposons maintenant que ces trois ventes soient liées entre elles, A vend à B du blé et avec les 5 francs ainsi obtenus il achète des bottes à C et, à son tour, C achète la toile à E. Dans ce cas, la réalisation des marchandises, dont la somme des prix est de 15 francs, a été effectuée à l’aide d’une seule pièce de 5 francs. L’argent aura fait ici trois tours, aura trois fois passé de main en main.

On peut en tirer cette conclusion que la quantité d’argent en circulation sera d’autant plus petite que la vitesse de la circulation sera plus grande.

c) La vente à crédit. — À tout moment ont lieu des ventes de marchandises non seulement au comptant, mais p. 67aussi à crédit. Cela diminue la quantité d’argent nécessaire à la réalisation des marchandises.

d) Le total des paiements venus à échéance. — À côté de la vente à crédit d’un certain nombre de marchandises, les paiements des opérations faites précédemment à crédit viennent à échéance et la quantité d’argent en circulation doit être augmentée d’autant.

e) Les dettes qui s’amortissent réciproquement. — Une partie des paiements peut être amortie sans argent. Ainsi, A doit à B 5 francs, B doit à C 5 francs et C doit à D la même somme et enfin D doit à A autant. Le total des échéances est de 20 francs, mais il est évident que ces dettes peuvent être amorties par leur simple juxtaposition sans avoir rien à débourser. D’où on peut conclure que plus est grand le nombre des paiements qui s’amortissent réciproquement et plus est petite la quantité d’argent en circulation.

Tels sont les facteurs principaux qui déterminent le total de l’argent nécessaire à la circulation. Cette quantité sera d’autant plus forte que la somme des prix des marchandises sera plus élevée, que la vitesse de la circulation de l’argent sera plus faible, qu’il y aura moins de vente à crédit, qu’il y aura plus de paiements de dettes en argent et moins de paiements qui s’amortissent réciproquement.

Lorsque dans la circulation il n’y a que des pièces d’or et d’argent, si la quantité totale d’argent nécessaire à la circulation diminue, l’excédent d’argent sera retiré de la circulation. Si dans la circulation il y avait un milliard de francs-or, et qu’il se soit trouvé par la suite qu’il ne fallait que 800 millions de francs, l’excédent de 200 millions de francs-or n’amènera pas le relèvement des prix des marchandises. Le prix c’est l’expression monétaire de la valeur, il dépend donc de la valeur de la marchandise et de celle de l’or. D’autre part, la valeur de la marchandise et celle de l’or dépendent de la quantité de travail dépensé pour leur production. Si on commence à donner pour une seule et même pièce d’or moins de marchandises non parce que la valeur de la marchandise s’est accrue ou que celle de l’or a diminué, mais parce que dans la circulation il y a eu 200 millions de francs-or de plus qu’il ne faut, cet excédent sera retiré de la circulation. La situation sera tout autre si dans la circulation il y a du papier-monnaie.

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