Dominique Meeùs
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Louis Ségal, Principes d’économie politique :
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La base économique du mode féodal de production était la petite production paysanne et celle des petits artisans libres. La production portait un caractère essentiellement naturel, c’est-à-dire que les objets produits n’étaient pas destinés à l’échange.
L’exploitation féodale de la paysannerie revêtait deux formes principales : 1. le paysan était obligé de travailler gratuitement une partie déterminée de la semaine sur les champs du seigneur (corvée) ; 2. il était tenu de livrer une partie du produit de son propre ménage (redevances). Le paysan avait le droit de quitter son seigneur pour un autre sans pouvoir toutefois s’affranchir de la dépendance féodale.
Les artisans indépendants qui habitaient les villes et produisaient pour la vente couvraient une partie considérable de leurs besoins par les produits de leur propre travail (ils possédaient du bétail, un jardin, quelquefois un champ). L’échange était surtout local, entre la ville et les villages environnants. Il y avait aussi le commerce des produits importés d’autres pays, principalement d’objets de luxe, les épices, etc. Mais l’échange entre les différentes régions de chaque pays n’existait presque pas. En raison du caractère naturel de la production et du faible développement des échanges, en raison aussi des mauvaises voies et moyens de communication, les pays étaient morcelés en provinces et régions autonomes.
Les villes habitées principalement par les artisans et les marchands ont dû livrer une lutte violente et prolongée pour conquérir leur autonomie ; elles avaient leurs garnisons à elles et étaient fortifiées. Les artisans étaient groupés en corporations professionnelles. Cette organisation était nécessitée par des entrepôts communs, par le contrôle des prix et de la qualité des produits pour éviter la concurrence. Les marchands avaient leur organisation à eux, les ghildes. Le besoin de défendre leur indépendance contre les seigneurs féodaux favorisait la conservation et le raffermissement de cette organisation des villes. Le régime féodal dans l’agriculture était complété par le régime corporatif dans les villes.
Peu à peu, avec le développement de l’échange, l’exploitation des paysans s’accentue. Plus l’échange s’élargit, et p. 21plus le seigneur féodal peut acheter d’objets de luxe et d’armes pour ses guerriers, plus, par conséquent, il doit soutirer des paysans, placés sous sa dépendance. Les champs des seigneurs s’agrandissent aux dépens des terres paysannes. Les corvées du seigneur augmentent ainsi que les redevances.
L’exploitation des paysans s’aggrava aussi à la suite de la formation d’États centralisés à la place des multiples fiefs féodaux. Le morcellement du pays en provinces indépendantes entravait le commerce, parce que chaque seigneur féodal établissait des droits pour le passage des marchandises sur ses possessions, frappait sa monnaie, etc. D’autre part, le commerce était chose risquée en raison des agressions fréquentes commises par les troupes féodales contre les convois de marchandises. Aussi, les marchands cherchaient-ils à : abolir l’indépendance des féodaux. Ils mirent à profit la lutte entre différents seigneurs féodaux, prenant le parti du plus fort, et l’aidant à se soumettre les autres. Avec la formation d’un pouvoir politique central, les troupes des féodaux sont dissoutes et remplacées par l’armée royale. Aux redevances que le paysan payait à son seigneur s’en ajoutaient d’autres destinées à entretenir l’État féodal. Ces redevances pour l’État sont de plus en plus perçues en argent, de naturelles elles deviennent monétaires. Cela favorise le développement de la production marchande, le paysan était obligé de vendre ses produits au marché pour se procurer l’argent nécessaire au paiement des impôts. Les paysans tombent dans une nouvelle servitude, sous la dépendance de l’accapareur et de l’usurier.
L’exploitation renforcée des paysans pousse ces derniers à la fuite. Pour empêcher cette fuite, les paysans furent attachés à la glèbe, ils devinrent des serfs ; sous la forme de servage, leur dépendance féodale est devenue encore plus accentuée.
L’exploitation aggravée des paysans et l’introduction du servage donnèrent lieu à de grands soulèvements paysans (la Jacquerie en France au 14e siècle, la guerre paysanne en Allemagne au 16e siècle, en Russie les révoltes de Razine et de Pougatchev) qui échouèrent tous, parce que les paysans n’ont pas trouvé d’alliés dans les villes, le prolétariat moderne n’existant pas encore.
Dans les villes sont survenus des changements considérables. Les rapports entre les maîtres-artisans et leurs p. 22compagnons s’aggravent, ainsi que ceux entre les artisans et les marchands. Pendant la première période de la féodalité, les paysans fuyaient souvent vers les villes qui étaient autonomes et dont les habitants jouissaient de la liberté personnelle. C’est ainsi surtout que s’accroissait la population urbaine. Au début, c’était avantageux pour les villes dont la force numérique s’en trouvait accrue pour la lutte contre les féodaux. Mais avec la croissance de la population urbaine, la menace de concurrence était suspendue sur les artisans. Aussi les corporations restreignent-elles l’admission de nouveaux membres, les délais de l’apprentissage sont allongés, les compagnons sont plus exploités, et il leur devient de plus en plus difficile d’obtenir la maîtrise. En outre, les corporations adoptent des mesures tendant à interdire les nouveaux procédés de production et à combattre le commerce des produits importés. Une lutte s’engage entre les corporations et les marchands.
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