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Enseigner n’est pas neutre

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En 1972, Le Petit Livre rouge des Femmes attire l’attention sur le phénomène : « Regarde autour de toi ! Lis les livres que l’on offre à tes enfants. Les plus petits ont déjà l’image de la faiblesse féminine face à la force protectrice du mâle, même si ce mâle n’a que trois ou quatre ans16 ! »

Fanny Filosof est kinésiste dans les écoles primaires. Elle raconte à la Maison des femmes les énormités qu’elle découvre en feuilletant les livres des professeurs. Claire Lion17 se dit épouvantée par les jouets que proposent les magasins : revolvers et autres engins guerriers pour les garçons, dînettes pour les filles.

Fanny décide de former un groupe vers lequel elle entraîne des mères et des enseignantes qui fréquentent la maison. À la Journée du 11 novembre 1975, elles présentent les premiers résultats de leurs investigations, qui concernent aussi bien les énoncés des problèmes d’arithmétique que les leçons d’histoire. Fanny poursuit son enquête du côté de la mixité dans les écoles techniques. Un exemple : dans une école de 1 500 élèves, cinq filles déclarées, une seule assidue aux cours… De son côté, Claire se propose d’analyser les livres pour enfants.

Repris en 1976 par un groupe élargi, le travail se poursuivra au 29 rue Blanche, sous l’appellation Changeons les livres, rencontrant l’intérêt non seulement des féministes, mais d’enseignant-e-s, d’inspectrices et même du ministère de l’Éducation nationale18.

Une première brochure relève le sexisme dans l’enseignement primaire. Ensuite, une équipe de diplômées en biologie, philosophie, philologie, histoire et histoire de l’art, entreprend une analyse systématique de l’enseignement secondaire, publiée sous le titre Les femmes dans les livres scolaires19.

La découverte du sexisme, tout involontaire et inconscient soit-il, qui sous-tend tout l’enseignement et jusqu’à la pensée même, va devenir un des thèmes de la recherche des années quatre-vingt et donner naissance dans les universités à ce qui a nom études femmes (women’s studies).

Notes
16.
Éditions Vie Ouvrière, 1972.
17.
Claire Lion fait bénévolement la comptabilité de la Maison. Elle initie les ignorantes aux codes et coutumes de cette science.
18.
À Copenhague [Marie Denis : 1980 (au crayon dans son exemplaire, p. 188)], lors de la mi-décennie pour les femmes, Mousa Winkel découvre la recherche réalisée dans plusieurs pays, notamment au Canada. « Le Japon présente une BD sur les stéréotypes sexistes, se souvient-elle, du coup l’élan est donné. »
19.
Édition Pierre Mardaga, 1985.
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