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Du rêve à la réalité

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Au printemps, les prénommées Marie et Rosa5 se lancent à la recherche d’un local qui corresponde au projet : vaste, non bourgeois, situé dans un quartier du centre de la ville, gratuit, avec jardin… Au moins dix pièces, précise-t-on, dont deux habitables (on songeait à deux personnes, des femmes évidemment, qui auraient assuré une garde permanente).

La visite de quelques locaux proposés par la ville de Bruxelles oblige les chercheuses à réduire notablement leurs prétentions. Si bien que le bâtiment postal désaffecté de la rue du Méridien leur apparaît propice à réaliser avec la frugalité souhaitée le multiple projet « maison ». Immense bâtisse grise dont le couloir sans fin ouvre sur six grandes pièces.

À l’arrière, deux petites cours, dont la moins exiguë sera nommée jardin après qu’une artiste, Pascale de Villers, y aura planté des buissons sauvages en ôtant quelques pavés.

Aux fenêtres, des barreaux de prison qui, par un beau dimanche de septembre seront peints aux couleurs de l’arc-en-ciel (création Suzanne Wauters).

Le 4 juin 1974 a lieu la première rencontre entre les groupes participants et leur « maison ». Le sentiment est plus à la consternation qu’à l’enthousiasme, malgré le mal inouï que s’est donné Monique Vrins, une adhérente d’À travail égal, salaire égal à qui l’on doit cette trouvaille : « Elle a brossé la moquette du “bureau du directeur des postes”, afin que nous puissions y tenir notre première réunion, assises à même le sol, éclairées par les lampes de la rue. Monique a même lavé une toilette pour que nous nous sentions vraiment chez nous. Connaissant l’ingratitude naturelle aux êtres humains, elle a écrit sur la porte : dites merci6. »

La commune de Saint-Josse met gratuitement ce vaste et sinistre local à la disposition des femmes.

Dépendre d’un pouvoir communal, d’un bourgmestre, fût-il socialiste et féministe de surcroît, c’est déjà trop de soumission louche au gré de certaines. La dépendance s’avérera légère, la collaboration des services communaux efficace.

Notes
5.
Que l’occasion nous soit ici donnée de rappeler la figure de Rosa Yerganian, décédée en juin 1986. Professeur puis directrice dans l’enseignement primaire, elle est la plus âgée (ses jambes) et la plus jeune (son cœur) de toutes. Membre du comité À travail égal, salaire égal, elle participe aux projets novateurs : plaine de jeux, crèche alternative, aux voyages vers les pays où ça bouge : Chine, Portugal. Son enthousiasme tempéré de sagesse emporte l’adhésion.
6.
Marie Denis : Dis, Marie, c’était comment rue du Méridien, 79 ?, Éditions Voyelles, 1980.
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