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1972 est l’année où le nouveau mouvement féministe multiplie les manifestations. Berlin, Amsterdam, Paris, Bruxelles, rassemblements où féminisme et nouvelle culture s’expriment en même temps. Lorsque dans ce paysage subversif apparaît le PFU, c’est la surprise.
La caractéristique du féminisme actuel n’est-elle pas précisément la critique du système politique, de ses lenteurs, ses hypocrisies, ses compromis ? Dès lors, que penser d’un groupe qui choisit de s’insérer dans les rouages que par ailleurs il dénonce ? « Nous voulons l’égalité dans l’inégalité des hommes », répond Nina Ariel à un journaliste, ajoutant que « le programme du PFU n’est qu’un palier4 ». Nina Ariel est membre du PLF, elle fut une des organisatrices de la Journée des femmes, ce qui la met plus que les autres sur la sellette. Que faites-vous des inégalités sociales, des grands problèmes politiques, que pensez-vous de la guerre au Vietnam ? sont les questions avec lesquelles les fondatrices du PFU sont harcelées. Ceci n’entraîne pas la division du mouvement, tout au plus un certain agacement, la découverte qu’il y a « des » féminismes et qu’il faut s’en arranger entre soi ; en d’autres mots, établir des frontières là où l’on croyait les avoir abattues : entre les femmes féministes. « La création du PFU fut pour moi un moment de rupture, raconte Danielle Colardyn, fondatrice du PLF. Cela représentait une cassure totale avec l’esprit qui avait régné jusque là. Non pas au niveau des revendications mais de l’approche des problèmes. Pour moi, le fait que ce projet était en partie issu de nos réunions fut une énorme déception : c’était une démarche du plus pur classicisme et qui portait en elle ses limites. C’était une voie déjà tant de fois essayée ! Si loin de nos options culturelles5 ! »
Ces frontières vont se marquer lors de la première Journée du 11 novembre au Passage 44 : il a paru impossible aux organisatrices de mêler une optique de parti à celle de la contestation radicale de la société qu’affiche et revendique le programme de la Journée.
La solution adoptée — placer le stand du PFU en dehors de l’auditorium — n’était plaisante pour personne.
« Réflexion faite, dit Nina Ariel vingt ans plus tard, je pense que le PFU ne pouvait avoir place parmi les autres groupes. Les organisatrices ne voulaient pas politiser le féminisme, c’était dès lors une saine réaction de leur part. La présence d’un parti ne se justifiait pas. Au moment même, on a sans doute râlé, mais maintenant je me dis que les féministes avaient des raisons de se méfier des partis6… »
Cependant, lors de la deuxième Journée « F », en 1973, le mouvement des femmes est mieux connu, il se sent assez fort pour inviter le PFU parmi les diverses expressions du féminisme.