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Statu quo légal jusqu’en 1990 !

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Face à cette offensive généralisée, le judiciaire fait semblant d’ignorer20 en attendant un changement de la loi. Le législateur patauge et répond en créant une commission éthique21… Les sondages successifs indiquent que dans la population, une majorité se dégage clairement en faveur d’un changement de la loi. Diverses propositions se succèdent en vain (Noëlla Dinant, Basile Risopoulos…)

Dès 1978 — l’année du début des poursuites et de la création du Gacehpa22 —, le combat est virtuellement gagné, mais on ne le sait pas encore. L’avortement se pratique ouvertement et en toute sécurité dans des centres extra-hospitaliers de plus en plus nombreux23. Beaucoup de femmes belges croient d’ailleurs que l’avortement est déjà autorisé, tant les adresses sont connues et la pratique, organisée pour n’engendrer ni traumatisme physique ni trouble psychologique. Dans les centres, on doit leur rappeler qu’il n’en est rien et que la discrétion reste de mise.

Il faudra encore de nombreuses manifestations, des procès, des perquisitions, des arrestations, avant d’arriver en 1990 à la loi dépénalisant l’avortement, une loi calquée sur la pratique des centres extra-hospitaliers24.

« La volonté était de créer rapidement beaucoup de centres afin de rendre leur fermeture difficile. Je pense que cette action découlait d’une bonne analyse de la situation. Celle-ci est vite devenue irréversible : on ne pouvait pas fermer tous les centres ni arrêter toutes les femmes qui s’y rendaient25… »

La lutte pour la légalisation de l’avortement est exemplaire de la démarche néo-féministe, démarche qu’on retrouvera également dans les problèmes du viol ou des femmes battues : après avoir, dans un premier temps, attiré l’attention du public par des actions spectaculaires, le mouvement organise la solidarité. Pas question de laisser des femmes se débrouiller seules et courir des risques alors qu’il existe des possibilités d’aide concrètes.

Cette entraide organisée sera parfois lourde à porter pour des féministes qui ont l’impression d’être accaparées par une action sociale, bien éloignée du militantisme classique. C’est pourtant leur audace et leur solidarité qui débouchent sur la politique du fait accompli et rendent progressivement impossible tout retour en arrière.

Notes
20.
Les poursuites n’ont commencé qu’en 1978. Il y a eu une trentaine de procès. La plupart des accusés ont été condamnés puis acquittés en appel.
21.
Cette commission, très contestée dès sa formation fin 1974, a rassemblé une courte majorité de 13 contre 12 en faveur d’une libéralisation de l’avortement. Une note de minorité, opposée à tout changement, a été publiée parallèlement.
22.
Groupe d’action des centres extra-hospitaliers pratiquant des avortements : ceux-ci avaient dès le départ adopté des principes rigoureux : pas de but lucratif, libre décision de la femme, accueil non directif et non culpabilisant, bonnes conditions médicales et psychologiques, prévention de l’avortement par une information sur la contraception, gestion collective.
23.
Dix-sept centres dont quinze à Bruxelles et en Wallonie, deux seulement en Flandre.
24.
Créé en 1978 au moment de la reprise des poursuites, et animé notamment par Monique Van Tichelen et Monique Rifflet, le Comité pour la suspension des poursuites en matière d’interruption de grossesse a joué un rôle important dans l’information des responsables politiques pour arriver à la majorité de rechange qui a finalement voté la loi sur l’avortement.
25.
Interview de Renée Coene
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