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« Notre petit livre rouge est écrit pour toutes les femmes, dit l’avant-propos, pour les jeunes et les moins jeunes, les veuves, les divorcées et quelques autres. Pour les travailleuses et les femmes au foyer. […] Parlant en tant que femmes, nous aurons parfois l’air de parler contre les hommes. Il n’en est rien. » L’analyse critique s’adresse à la société. Société hiérarchisée où des hommes dominent d’autres hommes et ceux-ci se vengent en quelque sorte sur les femmes. « Pour dénoncer les rouages de ce système qui rend la vie inhumaine, nous serons bien obligées de taper un peu sur les hommes… »
Les analyses économiques alternent avec les scènes de la vie quotidienne : « garce ou mariée », « amour = guerre », « tu es vierge ? », « nous sommes toujours obligées de mentir », « on ne te prend pas seulement ton corps », « elle pleurait comme une madeleine », « une femme leur coûte moins cher ».
Sont dénoncés : la fausse libération sexuelle, le silence sur les méthodes modernes de contraception, l’interdiction de l’avortement, le mépris pour les mères célibataires, l’image dégradante des femmes dans la publicité et celle, trompeuse, qui est véhiculée par les magazines féminins, tandis que les manuels scolaires d’enseignement des langues inculquent aux enfants les stéréotypes les plus éculés.
En conclusion : quelques moyens simples pour fonder une société où personne ne serait exploité, où chacun serait responsable et libre. Il ne s’agit de rien moins que de « changer la vie8 ». À l’avant-dernière page, la liste des centres de planning de tout le pays. Une telle publication pouvait passer pour de la provocation. L’éditeur envisageait la saisie…
Discuté, travaillé, remanié, illustré durant toute une année, le texte est prêt en juin 1972. L’équipe s’interroge sur le meilleur moyen de se diffuser. L’auto-édition serait une façon de s’affirmer dans l’indépendance. Mais le but recherché incite à s’inscrire dans la production courante. Il n’existe pas de femme éditeur à l’époque. On aura donc recours à l’édition masculine, qui s’est d’ailleurs proposée.
De son côté, Chantal De Smet, qui a participé à l’élaboration du manuscrit, en réalise l’édition flamande. Le livre est épuisé au soir du 11 novembre ainsi que la première édition en français.
La réussite dépasse toute prévision : quinze mille exemplaires vendus en quelques mois. L’attente des femmes était plus forte encore que ne l’imaginaient les rédactrices et les éditeurs.