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Pas d’hommes aux réunions

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Admis chez les Dolle Mina, les hommes l’ont été aussi au FLF, mais dans ce groupe, leur participation a donné lieu à un vote historique.

Aux tout débuts du FLF, ils étaient là en petit nombre sauf « quand on avait envie de parler entre nous, de se retrouver, entre femmes20 ». Mais les voilà au Verschueren, debout devant le tableau noir, occupés à expliquer aux femmes comment mener une action… C’en est trop. Quelqu’une propose un vote sur leur présence aux réunions. Le résultat est légèrement négatif : les hommes sont exclus du FLF.

« Cela n’a pas été un processus explicite. Simplement la discussion a tourné comme ça. Il n’y aurait peut-être pas eu les mêmes réactions de rejet si les trotskistes n’avaient pas été là : nous ne refusions pas de parler avec des hommes qui se posaient des questions par rapport à nos problèmes, mais nous refusions d’être rattachées à un mouvement. Nous voulions arriver à assumer les choses et à les développer indépendamment21. »

« J’ai voté pour l’exclusion des hommes après beaucoup d’hésitations, racontera plus tard Marthe Van de Meulebroeke, la présidente du comité — mixte — À travail égal, salaire égal. Personnellement, je n’ai jamais eu l’impression d’être empêchée de m’exprimer par la présence des hommes. Cependant, au FLF c’était différent. Certains hommes venaient là, non pas par solidarité, mais avec des visées politiques. Je sentais qu’il y avait des femmes pour lesquelles les choses étaient encore indéterminées. Je pensais qu’elles avaient besoin de pouvoir s’exprimer librement sans être téléguidées par un parti. »

Cette non-mixité, adoptée par la plupart des groupes féministes, est généralement mal comprise. « Comment des femmes qui cherchent à s’intégrer dans la société, à sortir du ghetto où elles sont maintenues, peuvent-elles recréer ainsi, autour d’elles, un nouveau ghetto ? Comment peuvent-elles dénier aux hommes le droit à la parole qu’elles revendiquent pour elles-mêmes ? »

Les féministes expliquent alors qu’il s’agit d’une étape temporaire, que les femmes manquent d’expérience, qu’il leur faut apprendre par elles-mêmes et non pas se laisser diriger par des militants plus avertis. Elles racontent comme il est difficile parfois d’expliquer ce que l’on ressent devant un groupe mixte, comment certains sujets, si importants pour les femmes, sont encore tabous, et combien elles ont besoin de trouver une parole à elles. En même temps, elles prennent soin de répéter que les hommes, bien sûr, peuvent se joindre à leurs luttes, qui ne sont pas dirigées contre eux, mais contre une organisation sociale préjudiciable aux deux sexes.

Chez les Marie Mineur, la réalité est encore différente. Dans les milieux populaires, en particulier chez les immigrés italiens, les femmes ne sortent pas seules le soir. A fortiori quand il s’agit de participer à une réunion mixte. Pour permettre à toutes les femmes de venir aux réunions, on décide donc qu’elles se feront entre femmes. Les maris peuvent dormir tranquilles…

C’est la même anxiété chez les Maghrébins qui assurera plus tard le succès des consultations gynécologiques de la Maison des femmes.

Notes
20.
Danièle Colardyn, op. cit.
21.
Danièle Colardyn, op. cit.
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