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Se découvrir complices

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Les réunions féministes sont de vraies fêtes. On s’embrasse, on se tutoie, on parle de tout et de rien, on raconte des histoires intimes à des femmes qu’on n’a jamais vues. L’ordre du jour est flou. Il cède souvent la place à la préoccupation immédiate, au problème brûlant que n’importe quelle femme veut soulever. Partant du principe que « le personnel est politique », aucune question n’est jugée frivole ou indigne d’être discutée par le groupe.

Les femmes qui s’étaient vécues comme rivales se découvrent semblables et complices. Difficile d’oublier une expérience de ce genre…

« C’était un grand changement vis-à-vis des réunions de gauche, très théoriques. Chaque femme racontait sa vie. Nous étions persuadées que c’était un des premiers pas à faire, une forme de prise de conscience personnelle, différente de ces prises de conscience politique à la troisième personne à partir d’un pays aussi lointain que possible… Ici on parlait de soi-même, des enfants, de la famille, des relations sexuelles, du travail, des jouets, des études. On évoquait des choses qu’on avait vécues dans le passé, sans se rendre compte alors de leurs implications au niveau des femmes. C’est pourquoi ces réunions avaient beaucoup de succès17. »

Le plus étonnant c’est que ce mode de fonctionnement, on ne peut plus informel, ait entraîné autant d’activités et d’actions aussi efficaces que spectaculaires. Et que des journées comme celle du 11 novembre 1972, organisée dans un joyeux désordre, aient été un tel succès. Il faut y voir la preuve que le nouveau féminisme venait à son heure et correspondait aux préoccupations profondes d’un grand nombre de femmes.

Notes
17.
Interview du groupe de Liège, janvier 1992.
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