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À la rentrée de septembre 1971 paraît le premier numéro du journal Et ta sœur ? avec le manifeste du mouvement. « Nous luttons pour nous libérer du patriarcat, un système économico-social basé sur l’exploitation de l’homme par l’homme, dans une société de classe, et de la femme par l’homme, dans un rapport de maître à sujet. Pour maintenir ce système, il a fallu mentir, il a fallu dénaturer les hommes et les femmes, travailler durement pour que tout le monde soit le plus conforme au “modèle”. On a donc inventé la virilité et la féminité et on nous a tous poussés dans le moule… »
Le texte affirme la primauté des enjeux du féminisme et légitime son action dans le cadre d’une révolution générale car « il n’y aura pas de libération véritable sans la libération effective de tout le genre humain ».
Dès ce moment, la cité universitaire est désertée par le FLF, dont le public s’est étendu. Le groupe se retrouve dans une salle du café Verschueren, au parvis Saint-Gilles, « un repère de footballeurs, de colombophiles et de buveurs de gueuze… » propulsé de l’actualité sportive à l’histoire féministe !
À l’époque, le simple fait de se réunir dans un café était un événement : voir un groupe de femmes « seules » (les femmes sont toujours seules quand elles sont sans homme…) entrer, s’installer, commander à boire était un spectacle inhabituel.
« Les premières arrivées buvaient un verre en bas en bavardant, puis, quand le groupe débordait sur plusieurs tables, nous montions, par un petit escalier à droite du comptoir, jusque dans la salle des réunions12. »
Les réunions bimensuelles rassemblaient parfois une quarantaine de personnes. On n’exigeait ni carte de membre ni mot de passe. Toutes les femmes étaient les bienvenues.
En 1972, à l’occasion de la fête des Mères, le FLF diffuse des autocollants demandant « des fleurs, mais aussi des crèches » ! Peu après, c’est au tour du goûter matrimonial d’Écaussinnes d’être contesté : sur le thème « la mariée était en noir… », le FLF dénonce la situation des femmes mariées qui n’ont pas encore les mêmes droits que leurs époux… Autres cibles, les cinémas porno qui se voient gratifiés de boules puantes13… Des publicités jugées outrageantes pour les femmes sont recouvertes d’autocollants ou d’inscriptions.
Les militantes n’hésitent pas à troubler le ronron des colloques et débats publics « pour souligner le peu de cas et le peu d’intérêt porté au point de vue des femmes14. » C’est ainsi que Marie Mineur et FLF chahutent ensemble les opposants à la légalisation de l’avortement lors d’une conférence organisée au Palais de Justice de Bruxelles par la Société belge pour la légalisation de l’avortement (mai 1972). Rien ne les arrête, rien ne leur fait peur surtout pas la crainte du ridicule ou des réactions de l’assistance. N’étant pas dans les rouages, elles n’ont rien à perdre et font irruption dans la société des hommes avec leur imagination, leur liberté…