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Ce matin, c’était dimanche, j’ai pleuré en fermant un très beau livre avec de l’amour et tout pour vous émouvoir.
Les deux premiers récits d’Antonine Maillet : Pointe-aux-Coques et On a mangé la dune (1). Écrits il y a une vingtaine d’années, ils ont toute la ferveur de la jeune femme qui découvre un monde secret, l’histoire orale et sobre d’une terre maritime et d’un peuple. Son émotion est jeune et ses souvenirs ont la fraîcheur du matin.
Dans Pointe-aux-Coques, c’est la nouvelle institutrice qui revient à son pays d’origine, l’Acadie que son père, oppressé de pauvreté et de tradition, a quittée pour tenter l’aventure miroitante des régions industrielles. Qui ne se souvient de La petite poule d’eau et Bonheur d’occasion (2) de Gabrielle Roy, autre grand écrivain canadienne, où l’on rencontre aussi l’institutrice porteuse du précieux savoir et recevant en échange l’héritage des sagesses paysannes, où l’on découvre la famille déracinée dans la grande ville et subissant une nouvelle misère, plus désolante que la pauvreté dignement vécue au village.
Chez Antonine Maillet, c’est autant l’appel au retour que le récit des temps anciens. On a mangé la dune est un long poème à l’enfance, où le drame est tout le temps frôlé — maladie, mort et misère ne sont jamais loin — où les fêtes, où la cuisine de fête, ce repas rituel que perpétuent les fermes, où la comédie, la mascarade, les chansons, les plaisanteries s’entendent à conjurer la menace de la mer et du mal. Tandis que les enfants ont leur monde à eux de trésors et de cachettes, de roches et de cabanes : là, c’est le rêve qui conjure la réalité.
M.D.