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Dans La nuit des bûchers, Julie Pavesi a choisi de nous ramener au XIVe siècle, lorsque la guerre s’éternisait entre la France et l’Angleterre, lorsque la terreur sévissait de toutes les façons. Dans la France du sud-ouest, l’Inquisition fait ses ravages, traquant, par la délation qu’elle encourage, tout ce qui peut paraître insolite, transgressif, anormal, dérangeant, trop libre.
Julie Pavesi écrit une tendre histoire à la fois conte historique et conte de fées. Les contes de fées, cette merveilleuse invention des femmes reprise et éditée ensuite souvent par des hommes, demeure la fiction qui peut le mieux rendre compte de nos peurs et de nos désirs mêlés, de la face apparemment réelle des choses, et de l’autre, tout aussi réelle, celle des rêves qui transforment l’événement, qui le libèrent. Les bûchers se sont dressés pour brûler des sorcières. Or, qu’est-ce qu’une sorcière, sinon quelqu’un qui a des « pouvoirs », des remèdes autres que ceux des médecins, qui a une science née du contact avec les plantes et les animaux et aussi avec le cœur caché des choses et des gens ? Caché, donc dangereux, donc diabolique, puisque hors la loi. Or, Dieu est la loi, exprimée par ses prêtres.
La facon de Julie Pavesi est celle d’une poésie du cœur, ses personnages sont vivants parce qu’ils sont aimants, ils veulent vivre, ils aspirent au bonheur à travers l’amour. Nous les voyons traverser mille périls avant d’aborder l’Angleterre, où l’Inquisition n’a pas droit de cité. Cependant, dès leur arrivée, ne voient-ils pas, dressée sur une place, une cage renfermant une être difforme et poilu qui avale des souris vivantes, mais dont le regard est humain. Même là où l’on ne craint pas le diable, on exhibe l’anomalie et une drôle de curiosité s’empare de la foule… Et l’on sent que la romancière Julie Pavesi n’est pas tranquille. On ne croit peut-être plus au diable, mais la peur n’a pas cessé et c’est elle qui encore et toujours crée des lois étouffantes, c’est elle qui suspecte et condamne, c’est elle qui étouffe.
M.D.