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Dans Histoire de ma vie, Georges Sand dit que ce qu’elle va raconter n’a rien d’exceptionnel ; mais elle est certaine que les expériences, que les sentiments se ressemblent dans ce qu’ils ont à la fois de plus profond et de plus quotidien. Elle a absolument raison et son récit le prouve. C’est la première fois que quelqu’un parvient à comprendre et à m’expliquer les sentiments contradictoires que j’éprouvais pour mes poupées. Ce problème m’a longtemps tracassée, comme quelque chose d’un peu stupide quoique très important pour la connaissance de moi-même. Ici, j’ai trouvé une sœur, qui s’interroge de la même façon que moi et me donne la clé de ces attachements à la fois réels et convenus, ces « croire tout en ne croyant pas », que l’amour d’une poupée met en évidence.
L’histoire de son petit frère, né aveugle et mal portant, mort dans les bras de sa mère et puis enterré rapidement pour éviter à celle-ci les longues émotions. La nuit même, les parents malheureux commencent par se disputer, se culpabilisent l’un l’autre, puis, s’apaisant, s’inquiètent d’un enterrement prématuré : « et s’il n’était pas vraiment mort ? » Le père sort en pantoufles, déterre le petit cercueil après mille difficultés, le ramène à l’aube dans leur chambre, l’ouvre et la mère de reprendre son enfant, le laver, l’habiller à sa façon pour ce dernier départ. Enfin, ils vont tous les deux l’enterrer dans un coin choisi du jardin qu’ensuite ils cultiveront particulièrement. La simplicité de ce chagrin et des gestes que celui-ci a entraîné, la façon dont tout ceci a été vécu, puis raconté à George Sand, qui le relate ici bien plus tard avec la même simplicité, tout cela me touche énormément. C’est l’art du vrai. Cela me permet de revivre quelque chose d’authentique, de communier à une épreuve du cœur qui est par elle-même universelle.
M.D.