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La femme gauchère, c’est d’abord un livre, et Peter Handke, c’est d’abord un écrivain. De cet écrivain, nous avons surtout aimé Le malheur indifférent, dont on peut dire qu’il annonçait le roman et le film que voici. Pourquoi gauchère, si ce n’est qu’elle est vue de biais par celui qui la donne à voir, comme était vue de côté, par approches et approximations, la mère de Peter Handke dans Le malheur indifférent. Ici, une femme encore jeune, secrète ou rêveuse. De façon assez abrupte, elle demande à son mari de la quitter, de la laisser en paix. Il accepte, plus ou moins de bon gré, et on la voit vivre quelques semaines avec son fils de dix ans. Le mari réapparaît et l’on pourrait croire qu’elle va céder au bonheur d’être deux, mais non. Son attachement pour l’enfant semble lâche et celui de l’enfant pour ses parents encore davantage. Il s’agit peut-être de montrer que les liens réels entre les gens sont extrêmement lâches. Autrefois, des liens plus imposés faisaient tenir les familles, en grande partie grâce à la soumission des femmes. Si les femmes cessent d’être sentimentales, si loin de s’accrocher, elles font tomber les liens… alors il y a vraiment quelque chose qui change — et les hommes s’en étonnent dans les films. Je pense à La dernière femme pour un certain regard des hommes sur les femmes, qu’ils n’arrivent plus à situer, mais là s’arrête la comparaison. Peter Handke parvient à créer dans ce film un sentiment d’intériorité plus grand que dans le livre. Peut-être est-ce dû à Edith Clever qui porte ce film par un pouvoir de présence exceptionnel. Le jeu des acteurs corrige la lenteur excessive du temps. La photographie est très belle mais peu convaincante, elle projette comme un autre film : celui d’un Allemand à Paris, tandis que nous poursuit le beau visage un peu buté d’une femme qui, gauchement, cherche un espace de liberté.
M.D.