Dominique Meeùs
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% d'énergie renouvelable Certains caressent l'espoir 7 d'une société qui tirerait absolument toute son énergie (pas seulement l'énergie électrique) de sources renouvelables. C'est une idée séduisante à la fois du point de vue des rejets de CO₂ et de l'épuisement de certaines ressources 8.
Il faut remarquer ensuite que personne ne sait si un tel système est possible. On n'a d'expérience d'énergie renouvelable que dans des situations que j'appelle redondantes, où les problèmes posés par l'intermittence ne se posent pas. Pour prendre en compte cette intermittence, autrement que par la redondance, on envisage l'interconnexion sur de grandes étendues et le stockage. Il est indéniable que l’interconnexion aplatisse les intermittences. Il est difficile d’estimer à quel point, tous les jours de toutes les années, quelle que soit la météo. Il restera donc un besoin de stockage, mais on ne sait pas exactement combien. Une chose semble cependant acquise, c’est que l’interconnexion ne peut pas supprimer toute différence saisonnière et le stockage saisonnier est le problème le plus difficile. Il faudra donc de grandes capacités de stockage à long terme. On a des de solutions de stockage connues et des idées d’autres qu’on pourrait mettre au point. Mais les rares esquisses de plan d’ensemble sont trop schématiques pour assurer qu’on n’aura pas de pénurie par moment. On a pour ce puzzle difficile, assez bien de pièces, mais personne ne sait si on les a toutes et comment elles s’emboîtent. Ce peut aussi être possible à un coût prohibitif, pas seulement financier, comme une trop grande emprise en surface d’installations hydroélectriques pour le pompage, par exemple.
Le problème se complique si on veut passer d’un tiers de l’électricité à 100 % de l’électricité, puis de 100 % de l’électricité à 100 % de l’énergie de la société.
Les arguments d’autorité pour la possibilité théorique d’un renouvelable complet non redondant sont essentiellement le double article Jacobson & Delucchi 2011 et, en Belgique, l’étude du Bureau du plan fin 2012. Jacobson et Delucchi voient le monde avec les œillères d’universitaires américains qui n’ont jamais vu un tram même en peinture et ne peuvent pas concevoir une vie sans voiture individuelle (en plus du vélo). Ils pensent que dans un avenir proche tous les ménages du monde auront une ou deux voitures électriques le plus souvent au garage et connectées au réseau et dont les batteries serviront de stockage d’énergie. L’étude belge conclut pour la Belgique à une impossibilité de gommer l'intermittence (on propose surtout de moduler la consommation industrielle d'électricité) et donc à un coût social difficilement acceptable en flexibilité des travailleurs. L’étude belge est intéressante parce qu'elle montre bien la difficulté d'une solution à une échelle trop petite. Les soit-disant villes neutres en carbone sont donc certainement impossibles. Il semble que s’il devait quand même y avoir une solution, ce ne serait que dans des centralisations continentales. (Pour l’Europe, il faudrait sans doute inclure l’Afrique du Nord pour avoir du solaire concentré.) On a de nombreuses idées de possibilités de stockage et d’interconnexion ; contrairement à l’opinion de Naomi Klein (Klein 2014:101), personne ne sait si c’est vraiment possible et comment. C'est peut-être la solution d'avenir, mais il est possible aussi que cette voie soit une impasse.