Dominique Meeùs
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Théorie et marxisme dans le féminisme de la seconde moitié du 20e siècle

en vie … … 19 20 30 40 50 60 70 80 90 00 10 20 30 Selma James Selma James, 1930 A Woman’s Place, 1952 📚 The Power of Women and the Subversion of the Community, Dalla Costa & James, 1972 📚 Sex, Race & Class, 1974 📚 Kate Millett Kate Millett, 1934 2018 Sexual Politics, 1970 📚 Margaret Benston Margaret Benston, 1937 1991 The Political Economy of Women’s Liberation, draft, 1967 The Political Economy of Women’s Liberation, 1969 📚 Lise Vogel Lise Vogel, 1938 Marxism and the Oppression of Women, 1983 📚 Juliet Mitchell Juliet Mitchell, 1940 Women: The Longest Revolution, 1966 📚 Women’s Estate, 1971 📚 Christine Delphy Christine Delphy, 1941 L’ennemi principal, 1970 📚 Silvia Federici Silvia Federici, 1942 Wages Against Housework, 1970 📚 Mariarosa Dalla Costa Mariarosa Dalla Costa, 1943 The Power of Women and the Subversion of the Community, Dalla Costa & James, 1972 📚 Shulamith Firestone Shulie Firestone, 1945 2012 The Dialectic of Sex, 1970 📚 Heidi Hartmann Heidi Hartmann, 1945 The Unhappy Marriage of Marxism and Feminism, 1975, 1977 The Unhappy Marriage of Marxism and Feminism, 1979 📚 Michèle Barrett Michèle Barrett, 1949 Women’s Oppression Today, 1980 📚 Simone de Beauvoir Le deuxième sexe 1949 Selma James A Woman’s Place 1952 Juliet Mitchell « Women : The Longest Revolution » 1966 Margaret Benston « The Political Economy of Women’s Liberation » 1969 (draft 1967) Kate Millett Sexual Politics 1970 Shulamith Firestone The Dialectic of Sex 1970 Juliet Mitchell Women’s Estate 1971 Mariarosa Dalla Costa & Selma James The Power of Women and the Subversion of the Community 1972 Silvia Federici Wages Against Housework 1975 Heidi Hartmann « The Unhappy Marriage of Marxism and Feminism » 1979 (draft 1975, 1977) Michèle Barrett Women’s Oppression Today 1980 Lise Vogel Marxism and the Oppression of Women : Toward a Unitary Theory 1983

Le tout petit livre de Selma James en 1952 n’est pas à proprement parler de la théorie, mais il est remarquable parce que c’est une jeune ouvrière (22 ans) qui dénonce magistralement en termes simples le piège dans lequel le ménage prend les femmes ; elle met en avant la solidarité des femmes prolétariennes à l’usine ou dans le quartier.

C’est donc Juliett Mitchell qui est au centre. C’est d’abord elle (vers 26 ans) qui ouvre le feu en 1966 (après Simone de Beauvoir). Dans son livre de 1971 (où elle reprend l’article de 1966), elle analyse les contributions de Kate Millett et de Shulamith Firestone (25 ans en 1970). Il me semble que ces trois-là sont incontestablement les trois autrices centrales du début du tableau.

Dans les années 60 et 70, le marxisme est dans l’air du temps et le papier d’Amy Bridges et Heidi Hartmann (qui deviendra Hartmann 1979) est encore de ce temps. La tentative de synthèse de Michèle Barrett (1980) sera réimprimée plusieurs fois, mais quand Lise Vogel écrit en 1983, la période du marxisme à la mode est passée, elle sera peu lue. On continue cependant à publier, avec un certain recul pourrait-on dire, plutôt des analyses du mouvement. Je mentionne ici provisoirement les deux livres de Sylvia Walby, Walby 1986 et Walby 1990, mais je devrais en mentionner d'autres. Au 21e siècle, il y a un nouvel intérêt pour le marxisme, le féminisme marxiste revit et la plupart de ces livres du 20e connaissent de nouvelles éditions.

Juliett Mitchell, Kate Millet et Shulamith Firestone (Heidi Hartmann, Michèle Barrett et Lise Vogel plus tard) ont lu et compris certaines idées fondamentales de Marx et d’Engels. Le cas de Margaret Benston (et de sa théorie naïve des classes) illustre le niveau général très élémentaire de formation marxiste. Elle n’est pas la seule, elle est paradigmatique d’un phénomène général. Pour ne pas répéter ça mille fois, ici et dans la plupart de mes notes de lecture sur le féminisme marxiste, je renvoie à ce sujet au début du chapitre matérialisme historique de ma note sur la valeur de la force de travail, où j’en parle à propos de réductionnisme. Ainsi, en dehors de Juliett Mitchell, Kate Millet, Shulamith Firestone, Heidi Hartmann et Michèle Barrett, et quelques rares autres peut-être, on se trouve devant des théorisations extrêmement schématiques, mécanistes. (Ce qui ne m’empêche pas de saluer l’audace et l’enthousiasme révolutionnaires des autres autrices et auteurs.) Aujourd’hui encore (j’écris ceci en 2020), les effets s’en font sentir et conduisent à des impasses. J’exprime ça dans le schéma en distinguant du courant central formant une colonne centrée à gauche, de Beauvoir à Barrett, une colonne de droite où se constitue avec du vocabulaire marxiste un édifice théorique branlant. En 1983, Lise Vogel donne un assez bon aperçu du féminisme de l’époque. Par ailleurs, elle consacre près de la moitié du livre au travail domestique et s’embrouille là aussi dans la force de travail, mais elle ne peut cependant être classée dans la lignée plus foireuse de Mariarosa Dalla Costa et Silvia Federici.

Bien sûr, mon jugement ci-dessus porte seulement sur la valeur théorique, d’un point de vue marxiste. Ces livres et articles peuvent soulever très bien des problèmes réels, mettre en accusation certaines situations criantes et, comme disait Mao Tsé-toung (très lu à l’époque) : « On a raison de se révolter ».

(Les livres fameux de Betty Friedan (en 1963) et de Germaine Greer (en 1970) ont été très importants aussi, mais d’une autre manière, plus comme essai, témoignage, dénonciation, questionnement que comme théorie.)

Un livre clef de cette époque — la meilleure porte d’entrée —, c’est sans conteste celui de Juliett Mitchell (Mitchell 1971) qui existe aussi en français (Mitchell 1974). Sylvia Walby donne une bonne synthèse des débats et de la littérature de l’époque, avec plus de recul (Walby 1990).