Dominique Meeùs
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Camille Robert, « Le salaire au travail ménager », 2014

Camille Robert , Le salaire au travail ménager : Réflexion critique sur une lutte oubliée, Possibles vol. 38 no 1, été 2014, p. 13-26.

Dans cet article, nous aborderons l’articulation entre travail ménager, travail salarié et capitalisme.

P. 13.

Comme le dit bien la phrase ci-dessus et le début (« réflexion critique ») du sous-titre de l’article, Camille Robert écrit sur le travail ménager et sur sa théorisation dans les années 70 du siècle dernier et depuis, plutôt que sur l’histoire du mouvement du salaire au travail ménager1 (la « lutte oubliée »). Elle cite beaucoup Christine Delphy. Elle passe ensuite à des autrices plus récentes comme Roswitha Scholz, mais ne mentionne pas ce qu’on appelle la social reproduction theory.

Étant insatisfaite des théories féministes et du marxisme traditionnel, qui faisaient tous deux l’éloge du travail rémunéré, Scholz développe la notion de dissociation-valeur. Ainsi, dans la socialisation par la valeur, le travail abstrait est en relation étroite avec les rapports inégaux entre les sexes. Le travail et la marchandise ne pouvant recouvrir les fonctions vivantes, il est nécessaire d’avoir le pendant inverse, les tâches effectuées par les femmes, afin de perpétuer le capitalisme, même si ces activités sont dissociées de la sphère marchande. Toutefois, la part dissociée n’est pas qu’un sous-système, elle est partie prenante du rapport social global. Ce faisant, Scholz reprend l’idée de Silvia Federici Federici (Wages against Housework) selon laquelle le travail ménager est nécessaire au capitalisme.

La sphère domestique – et féminine – n’est pas un domaine inhérent à la sphère marchande, mais elle est ce qui est autre que la sphère marchande, ce que celle-ci doit exclure de son champ pour exister en tant que telle, son « contraire immanent ».

P. 21.

J’ai du mal à comprendre. Faut-il que j’aille lire Roswitha Scholz ? Mais je suis découragé par cette ontologie où une chose ne pourrait exister que si existe aussi son « contraire immanent ». Ça me semble de l’idéalisme délirant. C’est sans doute une nouvelle loi de la dialectique, d’invention récente. Ce n’est pas parce qu’on met des mots les uns derrière les autres dans une succession syntaxiquement cohérente qu’on obtient une phrase qui a un sens. L’expérience montre que certains philosophes estiment que c’est permis, mais ça ne me convainc pas fort. Mais il faut dans l’existence se donner certaines priorités ; il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée et on ne peut pas tout faire. Alors, non, je ne vais, tout compte fait, pas lire Roswitha Scholz.

Notes
1.
Le mouvement international Wages for Housework s’est fortement répandu en Grande-Bretagne, en Italie et en Amérique du Nord à partir de 1972. Il a laissé peu de traces en français, à part quelques documents traduits à l’époque à Genève par le Collectif L’insoumise (et repris alors à Montréal par les Éditions du Remue-ménage). (Morgane Merteuil, dans Merteuil 2015, fait l’hypothèse que le silence français sur cette revendication antisystème est due à l’autorité en France de Christine Delphy, pour laquelle l’ennemi des femmes est l’homme et pas le capitalisme.) Se pose donc la question d’adopter une forme canonique de l’expression en français. En français, on trouve le plus souvent salaire pour le travail ménager ou salaire au travail ménager. Au 21e siècle, les historiennes canadiennes Louise Toupin et Camille Robert, se repenchant sur cette histoire, ont nettement privilégié la deuxième expression et l’ont utilisée exclusivement dans leurs titres, bien qu’elles puissent écrire occasionnellement la première aussi dans le corps du texte. Je décide donc d’adopter l’expression salaire au travail ménager.