Dominique Meeùs
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Auteurs : A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z,
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Les luttes pour le salaire ménager : théorie et pratique, Contretemps, 2015.
À propos de l’ouvrage de Louise Toupin, Le salaire au travail ménager : Chronique d’une lutte féministe internationale (1972-1977), Montréal, les éditions du remue-ménage, 2014, 452 p., 34,95 $.
Louise Toupin revient sur les trois textes qui ont, selon elle, constitué des étapes majeures dans la construction de cette pensée féministe : l’article « Pour une économie politique de la libération des femmes » (1969) de la canadienne Margaret Benston, L’Ennemi principal (1970) de la française Christine Delphy, « Les femmes et la subversion sociale » (1971) de l’italienne Mariarosa Dalla Costa. En faisant dialoguer ces textes, Louise Toupin nous permet de saisir aisément les points de divergences entre le féminisme matérialiste radical de Delphy et le féminisme marxiste de Benston et Dalla Costa, en s’attardant cependant plus longuement sur l’analyse de cette dernière, à partir de laquelle émergea la revendication d’un salaire au travail ménager.
Ainsi, les luttes pour les aides sociales et allocations familiales, parce qu’elles étaient considérées comme une première étape vers un salaire au travail ménager, furent particulièrement investies par les militantes du CFI : le Welfare Movement donna ainsi naissance au collectif Black Women for Wages for Housework à la suite de la Welfare and Wages for Housework Conference de New-York en 1976. Cette question des allocations familiales mobilisa également des lesbiennes autour du groupe Wages Due Lesbian, pour qui l’indépendance à l’égard des hommes nécessitait évidemment la possibilité d’acquérir une indépendance économique.
La possibilité de faire ainsi converger des luttes spécifiques vers une revendication commune est évidemment à mettre en lien avec l’inspiration opéraïste des militantes et théoriciennes telles que Mariarosa Dalla Costa, selon laquelle ces différents lieux de lutte constituent « l’autre usine », l’usine sociale : le travail des « ouvrières du trottoir », des « ouvrières de la maison » — jusqu’ici considéré exclusivement comme porteur d’une valeur d’usage — acquiert ainsi une reconnaissance en tant que travail productif, puisque c’est lui qui produit et reproduit la force de travail.
C’est en juillet 1972, lors d’une réunion de deux jours à Padoue, autour du groupe Lotta Feminista, que les bases du collectif ont été posées, au travers d’un manifeste largement inspiré par « Les Femmes et la Subversion Sociale » de Mariarosa Dalla Costa. La même année, en Angleterre, paraît « Women, Union and Work » (Les femmes, le syndicat et le travail) de Selma James, à partir duquel les discussions menèrent à la création en 1973 du groupe Power of Women. En 1973 également, c’est autour de Silvia Federici que se constitue le New York Wages for Housework Committee. Dans la foulée de conférences de Mariarosa Dalla Costa et de Selma James en Amérique du Nord, de nombreux groupes locaux se constitueront, et cinq conférences internationales seront organisées entre 1974 et 1977, à New-York, Montréal, Londres, Toronto, et Chicago.
La stratégie alors adoptée par le mouvement des femmes consistait en effet à privilégier la lutte pour l’emploi des femmes à l’extérieur du domicile et, dans ce cadre, la revendication d’un salaire au travail ménager apparaissait comme une régression, allant dans le sens d’un maintien des femmes à la maison plutôt que vers la nécessaire socialisation du travail domestique. Plus largement, ces débats recouvraient également des désaccords plus profonds entre d’un côté un féminisme matérialiste radical, et de l’autre un féminisme marxiste qui réfute l’idée d’un patriarcat comme mode de production indépendant du capitalisme. La revue Nouvelles Questions Féministes s’est fait l’écho de ces débats, en publiant dans un même numéro d’une part la critique de L’ennemi principal de Michèle Barett et Mary McIntosh, « Christine Delphy : vers un féminisme matérialiste ? » et d’autre part la réponse de Christine Delphy, « Un féminisme matérialiste est possible ». De fait, le féminisme français, et plus largement francophone, se rangea essentiellement derrière Christine Delphy […].