Dominique Meeùs
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Andreas Malm, Fossil Capital, 2016, notes de lecture brutes

Andreas Malm, Fossil Capital : The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Verso, Londres, 2016, 496 pages, paperback ISBN : 978-1-78478-129-3 ; ebook ISBN : 978-1-78478-130-9 ; hardback ISBN : 978-1-78478-132-3.

Ceci sont des notes brutes de lecture, commentées. Dans une autre page, Malm 2016, j’en tente une analyse plus élaborée (et plus courte).

Relativement avancé dans le résumé et l’analyse du livre, je peux donner les conclusions provisoires suivantes. Nous sommes face à une grave menace climatique à cause de l’augmentation, du fait de l’activité humaine, de la concentration dans l’atmosphère de CO₂ et d’autres gaz à effet de serre. C’est dû pour l’essentiel à l’utilisation de carbone fossile comme combustible. Il est donc urgent de cesser de brûler ce carbone et il y a de grandes résistances chez les capitalistes qui sont assis sur des réserves de carbone fossile et chez leurs clients capitalistes qui trouvent ça moins cher.

À partir de ces faits, Malm prend le charbon en grippe. Le charbon, c’est sale, c’est moche, c’est mauvais, c’est mal. Il entreprend alors de récrire l’histoire du 19e siècle à la lumière de son sentiment. Il prétend trouver à cette histoire une nouvelle « signification » (chapitre 1, paragraphe 2 *). Ce que nous savons maintenant lui fait découvrir dans l’histoire une « nouvelle dimension » qu’on n’avait d’abord pas vue. Il entreprend donc de mener une instruction à charge contre la machine à vapeur. Tout le monde admet que les débuts de la machine à vapeur ont été lents et pénibles. Il va plus loin : pour lui la machine à vapeur n’a remplacé l’énergie hydraulique que pour de mauvaises raisons et les capitalistes n’ont continué dans ce sens que parce que pris dans l’ornière où ils s’étaient mis (et où ils sont toujours pris). Pour lui, l’énergie hydraulique était techniquement et économiquement supérieure. Elle avait tout au plus quelques inconvénients, pas du tout économiques ni techniques, mais seulement « sociaux ». Par contre, la machine à vapeur était économiquement plus chère et techniquement inférieure ; elle ne l’a emporté que par quelques accidents conjoncturels et avantages « sociaux ». Une fois en place, il n’était plus possible de la déloger.

Il ne prétend pas pour autant que les moulins à eau auraient pu porter complètement l’industrie jusqu’aujourd’hui. Il s’interroge sur la transition de l’hydraulique à la vapeur (en gros 1820-1840). Sa thèse est qu’au moment de la transition, les moulins à eau étaient suffisants, plus fiables et moins chers ; que donc la transition a eu lieu pour des raisons mystérieuses, tordues, non naturelles, qu’il faut élucider.

Il se fait le champion de l’énergie hydraulique et râle de ce qu’elle a perdu. Il étale sa rancœur de mauvais perdant sur 400 pages. (Il n’est bien sûr pas lui-même capitaliste de l’énergie hydraulique du 19e. Mais le football nous apprend qu’on peut perdre et être mauvais perdant sans avoir jamais touché un ballon.) Il décortique tous les arguments des autres historiens qui ont trouvé évident le passage à la vapeur, pour les trouver mauvais, contradictoires. Eh bien, peut-être que certains des arguments des essayistes qui encensent la machine à vapeur sont mauvais, mais les capitalistes, qui sont très à cheval sur les coûts, ont voté pour la vapeur. Pour les capitalistes, les avantages ou inconvénients « sociaux » (qui bien sûr ne sont tels qu’en vertu de caractéristiques techniques) sont toujours économiques.

Il souligne que la révolution industrielle (dont la machine à vapeur) est le fait des capitalistes et dans leur seul intérêt ; qu’on a donc tort de la présenter comme un progrès de l’humanité. Il faut qu’il n’ait jamais lu le Manifeste de Marx et Engels ou qu’il ne l’ait pas compris. Toujours le progrès des forces productives se fait dans certains rapports sociaux. C’est comme ça que l’humanité fonctionne. Il ne s’ensuit pas que ce progrès n’est pas le sien. Ce sont les capitalistes qui ont choisi la machine à vapeur et s’en s’ont foutu, grâce à cela, plein les poches sur le dos des travailleurs et le font toujours. Cependant, c’est grâce à cela que nous avons des écoles, des hôpitaux avec du matériel médical de pointe et que Malm peut utiliser un ordinateur pour étaler sa rancœur dans un livre. Tous les progrès des forces productives font partie du patrimoine de l’humanité dans son ensemble, même s’ils ont enrichi des classes dominantes. On ne doit pas regretter l’invention du pain ni de la bière. On ne doit pas déplorer le contrôle du Tigre, de l’Euphrate et du Nil. On ne doit pas se lamenter sur l’invention de la boussole ou de l’imprimerie. Alors pas non plus sur l’adoption de la machine à vapeur. Don Quichotte combattait les moulins. Malm est le don Quichotte nouveau qui, pour la défense des moulins à eau, s’en va-t-en guerre contre la machine à vapeur.

Pour donner à son plaidoyer d’avocat de cour d’assises contre la machine à vapeur des accents scientifiques, il affecte de théoriser. Ainsi, différentes caractéristiques concrètes de l’énergie hydraulique, de l’énergie animale et de la machine à vapeur deviennent leur « spatialité » et leur « temporalité ». Le vent et l’eau sont du « flux », l’énergie animale est « animée » et bien sûr le charbon est du « stock ». À côté des concepts marxistes de capitalisme concurrentiel et d’impérialisme ou capitalisme financier, il introduit la périodisation d’ « économie fossile » (l’économie des capitalistes qui se shootent au charbon). Avant cela déjà, les ménages se chauffaient au charbon et des capitalistes utilisaient du charbon, mais comme ils n’étaient pas encore drogués comme au temps de la machine à vapeur, c’est une économie « proto-fossile ». Agiter des mots ne constitue pas nécessairement une avancée théorique. Contrairement à ce qu’en pensent des critiques favorables, Malm n’enrichit pas la théorie marxiste. On serait tenté plutôt de paraphraser Engels : Herrn Andreas Malm’s Umwälzung der Wissenschaft.

Pour tout cela, il a fait une certaine recherche documentaire et quand il arrête ses jérémiades pour donner des faits, il est parfois intéressant. Je reconnais l’importance de la machine à vapeur, mais je n’ai aucun préjugé contre l’énergie hydraulique et j’ai lu avec intérêt dans Malm l’aventure passionnante d’investisseurs entreprenants dans les moulins à eau et inventifs dans les canaux pour régulariser leur alimentation. Ah ! s’il avait seulement écrit un ouvrage documentaire.

L’acharnement actuel des capitalistes à continuer à brûler du carbone alors qu’on sait qu’il faut absolument s’en abstenir fait trouver à Malm une « nouvelle signification » à l’histoire du 19e : les capitalistes ont eu au 19e une addiction au charbon ; cela devrait nous aider en retour à comprendre leur addiction présente.

Ci-dessous, des notes de lecture brutes (avec d’inévitables accès de mauvaise humeur de ma part). On trouvera ailleurs (Malm 2016) l’ébauche d’un article de critique du livre. Malm écrit bien, il est convaincant. Par contre, il n’est pas facile de comprendre ce qu’il veut vraiment dire et où il veut en arriver. Je ne suis donc pas content ni de ce que j’ai écrit ci-dessus, ni de mon ébauche d’article. Je continue donc à y travailler.

Table des matières

Dans cette table, les titres qui sont des liens renvoient plus bas à un peu de résumé, à des citations ou à des commentaires critiques.

  1. In the Heat of the Past :
    Towards a History of the Fossil Economy
    → 1
  2. Scarcity, Progress, the Nature of the Human Species ?
    Theories of the Rise of Steam
    → 20
  3. The Long Life of the Flow :
    Industrial Energy Before Coal
    → 37
  4. ‘There Are Mighty Energies in those Masses’ :
    Mobilising Power in a Time of Crisis
    → 58
  5. Puzzles of the Transition :
    The Lasting Advantages of Water
    → 77
  6. Fleeing the Flowing Commons :
    The Expansion of Waterpower That Never Happened
    → 96
  7. A Ticket to the Town :
    Advantages of Steam in Space
    → 121
  8. A Force to Count On :
    Advantages of Steam in Time
    → 165
    • Taxing Demands on Britain’s Rivers → 165
    • The Great Drought of 1826 and Other Extreme Weather Events → 168
    • Methods for Smoothing Out Irregularities of the Flow → 170
    • The Factory Movement as the Nemesis of the Water Mills → 172
    • The Making of the First Factory Act → 177
    • Cracking Down on Water → 180
    • Ten Hours and a Half, Full Steam Ahead → 187
    • A Paradox of Flow and Capital in Time → 192
  9. ‘No Government but Fuel’ :
    The Derivation of Power from Coal in Bourgeois Ideology
    → 194
  10. ‘Go and Stop the Smoke!’ :
    The Moment of Resistance against Steam
    → 223
  11. A Long Trail of Smoke :
    The Fossil Economy Consummated
    → 249
  12. The Myth of the Human Enterprise :
    Towards a Different Theory
    → 255
  13. Fossil Capital :
    The Energy Basis of Bourgeois Property Relations
    → 279
  14. China as Chimney of the World :
    Fossil Capital Today
    → 327
    • An Emissions Explosion → 327
    • An Explosion for Export → 329
    • Globalised Fossil Capital → 333
    • The Chimney of the Workshop → 339
    • Capitalists Consider Leaving China → 347
    • The Law of the Rising Atmospheric Concentration of CO₂ → 352
    • A Commitment to Inertia → 355
    • The Fire Looks at Us So Cheerily → 361
  15. A Return to the Flow ?
    Obstacles to the Transition
    → 367
  16. Time to Pull the Plugs :
    On CO₂ as an Effluent of Power
    → 389
    • The Name of the Epoch → 389
    • In the State of Emergency → 392
  17. Acknowledgements → 395
  18. List of Abbreviations → 397
  19. Notes → 399
  20. Index → 469

Chapter 1.
In the Heat of the Past :
Towards a History of the Fossil Economy

C’est le chapitre où Malm annonce l’intention du livre, où il veut en arriver. À propos de ce chapitre d’orientation, je donne aussi l’orientation de ma critique, mais je reviendrai sur certains points à propos des chapitres suivants.

Now They Know What They Do

Le réchauffement climatique est indiscutable.

History under a Heavy Sky

Eyes gazing on abruptly transformed ecosystems are forced to turn back towards human society to understand what has happened — but where should they look ? Only a totality can be the object of interest. We shall call it, provisionally, ‘the fossil economy’.

Seen from another angle, global warming is a sun mercilessly projecting a new light onto history. Only now is it becoming apparent what it really meant to burn coal and send forth smoke from a stack in Manchester in 1842. When natural scientists discovered global warming, they passed on a discovery to historians yet to be made on anything like a comprehensive scale : these things were there for two centuries, invisible up to the present. Now is the time to turn over a thousand stones, to unearth the climatic implications of innumerable actions — not merely because the smallest puff of smoke in Manchester in 1842 released a quantity of CO₂ which then lingered in the atmosphere, playing a microscopic part in the creation of the current climate, but also, and more importantly, because the fossil economy was established, entrenched and expanded in the process. It is as though a novel dimension has been suddenly revealed in modern history. Just think, in this light, of the building of the railway networks, the construction of the Suez Canal, the introduction of electricity, the discovery of oil in the Middle East, the rise of suburbia, the CIA coup against Mohammad Mossadeq, the opening of the Chinese economy by Deng Xiaoping, the American invasion of Iraq… As a series of moments in the historical totality of the fossil economy — deepening its channels, adding ever-greater volumes of fossil fuels to the fire — these events are retroactively suffused with a new significance, calling for a return to history, eyes wide open.

P. 4-5.

Je crains que ce ne soit du vent. La plus grande quantité de CO₂ et d’autres gaz à effet de serre rejetée depuis un siècle, le réchauffement climatique qui s’en suit, la menace terrible que cela fait peser sur l’humanité, tout cela est une préoccupation relativement récente. En relisant l’histoire des 18e et 19e siècles, on ne peut s’empêcher de penser aux conséquences futures (pour nous actuelles) de cette industrialisation. Mais cela ne change en rien la signification de l’histoire et des événements. L’expression fossil economy, c’est juste une description de notre problème actuel de climat ; du point de vue de l’histoire, c’est de la rhétorique, pas un concept. « Only now is it becoming apparent what it really meant to burn coal » ? Pas du tout ; ce que cela signifiait vraiment, c’était l’énergie dont l’industrie avait besoin et c’était apparent depuis le début. Y voir, à la lumière du réchauffement climatique, le début d’une malédiction, c’est de l’anachronisme.

The Revenge of Time

Il y aurait eu une mode « spatiale » en histoire et, à la lumière de la menace climatique, le temps prendrait sa revanche. Il semble dénigrer David Harvey parce que géographe (donc « spatial ») et considérer que sa réputation serait surfaite (« the star of David Harvey shines brighter than that of any Marxist historian »), mais je ne comprends pas de quoi il parle et donc pas ce qu’il reproche à Harvey. (En outre, jamais Harvey n’a prétendu être historien. Comme géographe, il a jugé utile de lire le Capital dans un séminaire et il a continué sous forme de cours et de livres, qui sont réputés). Souligner que l’histoire a une dimension temporelle, n’est-ce pas une tautologie, enfoncer une porte ouverte ?

C’est avec raison qu’il souligne une certaine pesanteur de l’histoire, que des technologies peuvent rester prises dans des ornières. À propos des autos, il parle de carbon lock-in :

This is what some refer to as ‘carbon lock-in’ : a cementation of fossil fuel-based technologies, deflecting alternatives and obstructing policies of climate change mitigation : a poisoned fruit of history.

P. 7.

Il est tout à fait juste de dire que c’est un fruit empoisonné de l’histoire. On peut relire l’histoire en y voyant ce fruit empoisonné auquel on n’avait pas pensé à première lecture. Ça ne change pas la signification de l’histoire. Il n’était pas question de carbon lock-in au 19e, mais d’avancées révolutionnaires de la technique. Que les capitalistes aujourd’hui entendent bien continuer à tirer profit de technologies dépassées, c’est un problème actuel, pas une autre signification de l’histoire passée.

Bien sûr, cette question du climat est vraiment très « temporelle ». C’est d’abord l’histoire d’une biomasse fossilisée un peu plus ancienne que l’espèce Homo sapiens. Ensuite, c’est l’histoire de siècles d’activités industrielles et autres. Mais l’histoire n’a pas attendu le climat pour être « temporelle ». Je le trouve plus clair quand il dit que l’affaire du climat, c’est une retombée de l’histoire, c’est l’histoire qui nous retombe dessus (« the final falling in of history on the present » — c’est lui qui souligne).

Searching for the Origins of the Fossil Economy

What do we mean by ‘the fossil economy’ ? A simple definition would be : an economy of self-sustaining growth predicated on the growing consumption of fossil fuels, and therefore generating a sustained growth in emissions of carbon dioxide. Roughly synonymous with ‘business-as-usual’ in the lexicon of climate politics, this, we submit, is the main driver of global warming. It first appeared during the Industrial Revolution, whose great historical feat was to inaugurate an era of ‘self-sustaining growth,’ meaning a process of growth that was not episodic, evanescent, broken off after a brief efflorescence, but persistent and unremitting, a secular progression propelled by its own inner forces.

P. 11.

La révolution industrielle ouvre une période de croissance soutenue, pas juste un progrès épisodique, limité dans le temps. C’est une croissance auto-entretenue, une croissance qui déclenche encore plus de croissance. C’est le mécanisme de l’accumulation du capital, c’est l’essence du capitalisme. Dans cette période, il appelle fossil economy une phase caractérisée par une croissance soutenue de l’usage de combustibles fossiles (charbon au début). Le concept est donc construit par analogie avec celui de capitalisme. C’est un mauvais concept, parce qu’il porte sur quelque chose de contingent. L’usage de combustible fossile n’a aucune autonomie par rapport au capitalisme. Il n’existe pas d’économie fossile auto-entretenue, c’est le capitalisme qui est tel et qui peut, dans son accumulation, utiliser de plus en plus de combustible fossile, mais qui pourrait utiliser n’importe quoi pourvu que ça rapporte. Un concept est une abstraction qui va à l’essentiel et qui délimite pour aider à penser. En tant que confusion entre mode de production économique et contingence technique, fossil economy est un non-concept, un obstacle à la pensée. C’est aussi un pseudo-concept : cela peut donner l’illusion d’une avancée théorique novatrice.

Dans les questions de prospective, on compare des scénarios alternatifs au business as usual, c’est-à-dire la projection de ce qu’on fait, sans changement. Dans le cas du carbone, continuer comme on a toujours fait, c’est continuer à brûler du carbone, ce qui est évidemment négatif. Mais l’expression ne désigne pas une société qui brûle du carbone, elle désigne l’évolution du statu quo ; elle est propre à la réflexion sur de telles questions et pour le futur. Elle n’a aucun sens en dehors du contexte d’une prospective particulière et, en particulier, aucun sens appliquée au passé (même un passé qui rejette du CO₂.

Bref, business as usual veut dire comme d’habitude, selon les traditions. Toute société, toute pratique sociale, toute technique est donc « synonyme » de business as usual jusqu’à ce qu’on en change.

The fossil economy has the character of a totality, a distinguishable entity : a socio-ecological structure, in which a certain economic process and a certain form of energy are welded together.

P. 12.

Il fera au chapitre 13, calquée sur l’analyse de Marx la circulation du capital, une pseudo-théorie pseudo-marxiste de la circulation du charbon tendant à montrer que le charbon est un aspect intrinsèque, pas seulement historique, de l’accumulation capitaliste. Le capitalisme et le charbon seraient « soudés ».

Plus intéressante comme réflexion sur le temps est l’idée que, de même que le passage à la machine à vapeur a été un processus hésitant, la transition à un rejet zéro de CO₂ demandera du temps.

Il fait l’hypothèse que les raisons et les motifs qui ont conduit à ce que la machine à vapeur s’impose pourraient nous éclairer sur l’addiction aux combustibles fossiles des capitalistes d’aujourd’hui et nous aider à combattre ces capitalistes.

The previous transition, then, would be not so much a template for the next as a key to understanding and removing the impediments. We cannot know this for sure : it is a mere suspicion. (C’est lui qui souligne.)

P. 15.

Il admet que ce n’est qu’une hypothèse et qu’elle peut-être mauvaise (là, je lui donne entièrement raison) ; malheureusement, c’est l’hypothèse qui sous-tend tout le livre, sans laquelle ce livre n’aurait pas été écrit.

The Moment of Steam

Le recours au charbon de terre est ancien. Ce qui a fait exploser le recours au charbon, c’est la machine à vapeur rotative, qui peut servir à entraîner toute sorte de machines DM-1 DM-2 et de véhicules. Il faut donc étudier comment et pourquoi cette machine est apparue.

By examining the causes of that original transition, we may come closer to an understanding of the mechanisms that launched, and perhaps still drive, the process now known as business-as-usual.

P. 17.

L’orientation qu’on appelle maintenant « business-as-usual » dans les écrits sur le climat, c’est de ne rien faire. On peut comparer des scénarios novateurs au scénario de continuer sans changement. C’est une question tout à fait actuelle et il est ridicule de penser trouver l’origine du « business-as-usual » au début du 19e et de penser que ça va nous aider dans le problème du climat.

Seeing Power as Power

L’énergie est une source de pouvoir.

Natural scientists have so far interpreted global warming as a phenomenon in nature; the point, however, is to trace its human origins. Only thus can we retain at least a hypothetical possibility of changing course.

P. 19.

(La première phrase, avec le basculement « the point… is » après un point-virgule, présente le même motif rhétorique, le même pattern que la 11e thèse de Marx ad Feuerbach.)

Il est vrai qu’on ne peut aborder la question du climat sans tenir compte du capitalisme. Cela ne demande pas pour autant de refaire l’histoire du 19e.

Chapter 2.
Scarcity, Progress, the Nature of the Human Species ?
Theories of the Rise of Steam

Steam as Response to Scarcity

Selon Wrigley — mais ça remonte à Smith, Ricardo, Malthus —, on a utilisé le charbon par manque d’autres sources d’énergie.

Steam as Human Fire

Discussion du concept d’anthropocène. Ceux qui l’ont introduit le lient à la spécificité du genre Homo, seul genre dans lequel on trouve des espèces animales maîtrisant le feu, depuis environ un million d’années. On peut ne dater l’anthropocène que de la révolution industrielle, mais cependant le mettre en relation avec la maîtrise du feu dans l’évolution des espèces DM3.

Steam as Superior Machine

‘The hand-mill gives you society with the feudal lord ; the steam mill, society with the industrial capitalist DM-4.’ Thus runs what is undoubtedly the most famous statement by Karl Marx featuring steam. It appears in The Poverty of Philosophy, Marx’s assault on the ideas of Pierre-Joseph Proudhon, in the context of an attempt to explain not the rise of steam power, but social change in general and the development of capitalist relations of production in particular. In his maxim, Marx spells out an unequivocal and, within the wider Marxist tradition, highly influential hypothesis on the arrow of causation in an industrialising economy such as Britain’s : steam begets capital — not the other way around.

P. 32-33.

Malm est-il de mauvaise foi ? Je pense plutôt qu’emporté par son préjugé il n’est plus en état de lire intelligemment. Marx fait un raccourci. Jamais il n’a pensé que la machine à vapeur ait été antérieure au capitalisme. Il ne dit certainement pas, contrairement à ce qu’insinue Malm, que la machine à vapeur « engendre » (« begets ») le capitalisme ; il veut dire qu’elle est typique du capitalisme. (En outre Marx n’oppose pas la machine à vapeur à un autre moteur, comme le moulin à eau, mais à l’absence de moteur autre que la main.) Malm lui-même cite d’ailleurs ensuite une phrase où Marx dit que la machine à vapeur « présuppose » le capitalisme, c’est-à-dire assez explicitement le contraire d’ « engendre » DM-5. Cependant, Malm se paie alors une victoire facile contre une présentation caricaturale du marxisme par G. A. Cohen.

Il est vrai qu’on a dû écrire beaucoup de choses unilatérales sur « le développement des forces productives », mais ce n’est pas Malm qui va nous aider.

Il conclut que, sur la machine à vapeur, les idées (i) de nécessité (Ricardo, Malthus) et (ii) de progrès technique (développement des forces productives) sont également erronées. (On verra qu’il considère l’énergie hydraulique comme (i) suffisante et (ii) techniquement supérieure.)

Chapter 3.
The Long Life of the Flow :
Industrial Energy Before Coal

Flow, Animate Power, Stock

Un terme de la métaphysique d’Aristote, le « premier moteur », le primum movens, a été récupéré en anglais comme prime mover au 19e siècle, pour le moteur général à la base de tous les mouvements de l’usine. Mais si le premier moteur d’Aristote a pour définition de n’être mû par rien d’autre, d’être le point de départ absolu, le prime mover d’une usine doit bien tirer son énergie de quelque chose. Malm entreprend de classer les sources d’énergie et choisit, pour éviter tout anachronisme, de se placer du point de vue des préoccupations des capitalistes alors (« the properties that actually mattered to its agents »). Il choisit donc de les caractériser par un spatiotemporal profile. Je ne sais pas si les capitalistes avaient tout le temps les catégories de « spatial » et de « temporel » à la bouche et dans l’esprit, mais nous avons déjà vu que Malm aime agiter des mots. Il distingue les énergies de flux, les énergies animales et les énergies de stock. Le flux est la conséquence immédiate du rayonnement solaire qui n’est pas fixé par les plantes dans la photosynthèse. Pour Malm, le flux n’est pas affecté par son utilisation. Après le moulin à vent, le vent existe toujours. Après le moulin à eau, la rivière continue comme si de rien n’était. Malm cite Babbage et l’approuve :

… we change the directions of their movement [wind or water] in order to render them subservient to our purposes, but we neither add to nor diminish the quantity of motion in existence.

C. Babbage, On The Economy of Manufactures, London, 1835 [1833], 17.

The flow was in no way exhausted or sapped through use in manufacturing.

Là, Malm se fait poète plus que scientifique. Le vent et la rivière ont bien perdu l’énergie qu’on leur a prise DM-6 ; en énergie, il n’y a pas de primum movens aristotélicien. Ce qui est vrai, c’est que le Soleil va continuer de rayonner et causer du nouveau vent et de nouvelles pluies. Il dit bien plus loin que le vent et l’eau « reviendront ». S’il mettait des usines l’une derrière l’autre sur une rivière, il verrait un effet. En fait, il devrait le savoir parce qu’il mentionne la difficulté des capitalistes à s’entendre quand ils se succèdent sur la même eau.

L’énergie animale dépend du métabolisme, ce qui une manière savante de dire qu’il faut manger et qu’on se fatigue. Le stock, ce sont des relics of solar energy of the very distant past. Le stock est en dehors de l’espace et du temps. Tout ceci me semble extrêmement caractéristique de la fausse théorisation : dire des choses parfois justes, mais avec beaucoup de mots inutiles, dans des classifications qui ne présentent aucun intérêt ni pour les capitalistes d’alors ni pour nous. Mais on verra peut-être que si ces concepts creux n’ont pas d’intérêt théorique, ils peuvent avoir du point de vue de l’auteur un intérêt rhétorique : induire dans l’esprit du lecteur ce qu’on veut qu’il pense. Dans l’immédiat, ça peut donner une image de sérieux si on est indulgent.

The Rise of the Water Mill

Les capitalistes du 19e siècle ont pris conscience de la spatialité et de la temporalité des chevaux. (« Over the 1790s, the temporality and spatiality of the animals came to act as a fetter… » C’est l’évidence. Rabelais doit se retourner dans sa tombe de n’y avoir pas pensé dans ses parodies de discussions philosophiques. C’est plus fort que la vertu dormitive de Molière. Tous les lecteurs cultivés, quand ils voient un cheval dans une prairie, c’est certainement la première chose qui les frappe, la spatialité et la temporalité de l’animal.) Les capitalistes se sont donc tournés vers les rivières. (Elles aussi ont sans doute leur spatialité et leur temporalité, mais pas les mêmes que les chevaux.)

Maintenant on peut arrêter de rigoler un moment. En effet, quand il ne fait pas de la philosophie à bon marché, Malm peut être très intéressant. Quand il parle concrètement de l’hydraulique industrielle aux 18e et 19e siècles, il est passionnant et je l’ai lu avec plaisir et intérêt.

Richard Arkwright commence en 1772 à Cromford, un petit village au bord de l’eau, la première usine de 300 personnes, qui seront 1 150 à la fin des années 1780 dans plusieurs usines sur des moulins à eau voisins.

The Proto-fossil Economy

Traduite en langage ordinaire, « économie proto-fossile » ça veut dire le charbon avant l’âge d’or de la machine à vapeur. Malm mentionne un usage domestique ancien du charbon, mais industriel aussi dès le 16e et de plus en plus important, seulement comme énergie thermique, pas motrice. On n’a pas encore comme avec le machinisme une croissance forte. Il trouve cependant que ce surgissement du charbon avant la machine (the Elizabethan leap) demande explication et il y reviendra.

Steam Repelled

Malgré les progrès de la machine de Watt sur celle de Newcomen, le succès a été lent à venir. On peut s’interroger sur les causes de cette lenteur. (Malm les exposera plus loin avec insistance. Elles ne sont pourtant pas contestées.) Malm trouve que la vraie question c’est why steam power was adopted at all. (C’est lui qui souligne.) Ce sera développé dans les chapitres suivants, mais il faut relever cette question dès maintenant parce que c’est le fil conducteur du livre : une nostalgie des moulins à eau et des turbines hydrauliques, un regret du succès de la machine à vapeur, l’impression que ce succès est injuste, qu’il n’est pas justifié par une supériorité réelle du charbon et de la vapeur, que le charbon et la vapeur ont eu une chance imméritée en raison de causes extérieures, non techniques, mais sociales et politiques. Je ne pense pas qu’on puisse faire de la bonne histoire avec d’éternels regrets. Ce n’est en tout cas pas dans cet esprit-là que Marx et Engels ont écrit le Manifeste.

Chapter 4.
‘There Are Mighty Energies in those Masses’ :
Mobilising Power in a Time of Crisis

The First Structural Crisis of Industrial Capitalism

Le succès de l’industrie textile conduit au début des années vingt du 19e à un engouement pour les investissements dans ce secteur. Des difficultés de débouché en 1825 font éclater la bulle. Après 1825, il y a dans l’économie anglaise une baisse générale du taux de profit. Il y a eu une certaine reprise en 1833, mais entre-temps une bulle des chemins de fer et on replonge dans la crise en 1836 ou 1837. Nouvelle reprise et nouvelle crise en 1842. Ce n’est qu’en 1848 que le capitalisme anglais semble retrouver la santé. On peut donc parler d’une crise structurelle de 1825 à 1848. C’est alors que se joue le passage à la machine à vapeur.

À la même époque, les ouvriers s’organisent en syndicats et répondent par des grèves à la crise qui les plonge dans la misère.

The Rise of the Iron Man

L’opération de filage (assembler les fibres pour en faire un fil) était lente et constituait un goulot d’étranglement. C’est donc la première chose qu’on a tenté de mécaniser. Les machines à filer dites mule-jenny ou spinning mule demandaient encore de la force et du métier d’opérateurs alors toujours masculins. Cela mettait ceux-ci dans une relative position de force. On a alors poussé plus loin l’automation. On a donc remplacé les travailleurs par de la machine et leur force par une autre énergie. Il fallait encore des servants de la machine, mais avec moins de force et moins de métier. Leur salaire était infiniment plus bas DM-7.

The Rise of the Power Loom

Après avoir filé, il faut tisser. Le tissage est resté longtemps une forme de travail à domicile parce qu’une abondante main-d’œuvre était disponible, en particulier les fileurs rendus inutiles par la mécanisation du filage. Cependant le tissage est mécanisé à son tour (power loom). L’abondance de main d’œuvre conduit à la misère, à laquelle les travailleurs cherchent à échapper par des moyens détournés : économiser sur la matière première et étirer au maximum le produit fin ; avec la matière première mise de côté, produire pour un marché noir. Les capitalistes auraient opté pour la mécanisation, bien que plus chère, pour avoir un meilleur contrôle. Mais Malm admet l’instant d’après que, tout compté, c’est devenu moins cher aussi. Il cite un rapport : « producing goods at less trouble and cost », où c’est lui qui souligne.

On a alors des usines combinant le filage et le tissage mécanisés.

Mais, éternelle question :

But why steam ? Why not water ? Several of the first and largest combined factories were powered by rivers. The transfer of spinning and weaving away from the human hand could have landed on water — no technological obstacles barred the way — so why did automation rest on the stock ? Had the energy hunger of the cotton industry now reached a point where the flow could no longer satisfy it ? Did the unity of self-actors and power looms crave more than the rivers of Britain could possibly give ? It is to these questions that we now turn.

Chapter 5.
Puzzles of the Transition :
The Lasting Advantages of Water

Small, Uneven, Inefficient Waterwheels ?

« During the crucial decades of the transition — from the 1820s to the 1840s — », on a des roues à aubes aussi puissantes que les machines à vapeur et certains moulins à eau combines plusieurs roues en parallèle, atteignant ainsi de très grandes puissances.

Le mouvement des moulins à eau aurait été plus régulier que celui des machines à vapeur. Il donne des références bibliographiques, mais pas d’explication et je ne sais donc pas ce qu’il appelle uniformity. Les machines de Watt avaient un régulateur centrifuge de la vitesse (régulateur de Huygens) depuis 1788, mais il est possible que c’était insuffisant. On dit de la machine de Corliss en 1849 aux États-Unis qu’elle avait un mouvement plus uniforme, mieux approprié à l’industrie du coton (https://en.wikipedia.org/wiki/Corliss_steam_engine#Corliss_valve_gear) — c’est donc que les machines antérieures étaient moins satisfaisantes sur ce plan.

Il compare aussi le rendement : « by the time of the transition, modern wheels transmitted 85 percent of the mechanical energy of falling water to the machines, whereas steam engines normally converted less than 2 percent of the energy in coal to motion, reaching 4 percent in the best specimens. » Très intéressant, mais cela n’ajoute rien. Un capitaliste n’est pas intéressé par le rendement en soi, mais par la facture de combustible, et celle-ci parmi les autres avantages et inconvénients.

Beyond Numbers, Mystery

On pourrait penser que les capitalistes ont pesé, plus ou moins bien, les avantages et inconvénients des moulins à eau et des machines à vapeur. Mais pour Malm, cela ne peut être chiffré : « the indifference towards some technological promises and the itch to profit from others and so much else of what went on in the Industrial Revolution simply cannot be captured arithmetically. » Comme son cœur penche pour l’eau, il ne peut admettre que les capitalistes aient pris une autre décision rationnelle. Il faut qu’il y ait là un mystère psychologique fait d’indifférence (pour les avantages de l’eau) et de démangeaison, de désir maniaque (pour la vapeur). « Quand on aime, on ne compte pas », et il peut arriver à un capitaliste, séduit par une idée, de mal compter. Il me semble difficile de refaire l’histoire de la première moitié du 19e siècle en supposant que tous les capitalistes ont oublié de compter.

Chapter 6.
Fleeing the Flowing Commons :
The Expansion of Waterpower That Never Happened

Discord on the Irwell

En 1827, le Guardian publie un reportage sur les réalisations de Robert Thom en Écosse. Cela conduit à des projets concernant la rivière Irwell. Cela ne s’est jamais fait, pour toute sorte de raisons : « The mill-owners were apparently unable not only to unite behind the proposal, but to agree on the reasons for their dissent. » (P. 109.)

What is clear is that a water management scheme of Irwellian dimensions faced major collisions of interests. Insofar as it was necessary for the expansion of power capacities on a river such as the Irwell, the scheme raised problems of coordination and resource distribution of which an extra steam engine, a larger boiler, one more ton of coal per day were blissfully oblivious. Indeed, waterpower on this scale, in this time and at this place, appears to have suffered from some peculiar socio-ecological contradictions — all of which evaporated in steam.

P. 110-111.
Divisions on the Tame

Échec similaire de projets pour la rivière Tame.

Not When Others Derive a Profit

Robert Thom publie en 1829 le plan d’un système de réservoirs en Écosse qui assurerait une eau régulière à toute l’industrie autour de Glasgow.

Un auteur anonyme mentionne alors la possibilité d’utiliser le vent pour pomper de l’eau d’un réservoir inférieur à un réservoir supérieur.

Un inventeur de Manchester envisage pour des ports de mer comme Liverpool et Hull un bassin de retenue à marée haute dont l’eau serait relâchée dans des roues à aubes dans l’intervalle des marées hautes.

Mais tout ça était trop collectif pour le capitalisme.

A Fossil Flight from the Flowing Commons

L’eau et les rivières font partie des commons ; il est difficile d’entreprendre à titre privé l’aménagement d’une rivière. L’aménagement profitera à d’autres ou causera un inconvénient pour d’autres. On est donc pratiquement tenu de le faire collectivement. Robert Thom demande d’abandonner toutes vues égoïstes. Dans une logique qui n’appartient qu’à Malm, la seule existence de propositions telle que celle de Thom et le fait qu’elle ait été écartée par individualisme prouvent que l’eau avait de grandes possibilités :

The reservoir schemes provide a new wealth of evidence that waterpower was in fact abundant, cheaper than steam and technically viable at the time of the transition […].

(L’hydraulique aurait été viable « au temps de la transition », sans préciser ce temps. Serait-ce l’aveu que ce n’était pas promis à un long avenir ?) Mais, le collectif, comme l’huile avec l’eau, est peu compatible avec la libre entreprise individuelle : « The oil of private property and water did not mix well. » Le « profil spatiotemporel » du charbon ne souffre pas de cette contrainte, permet au contraire d’y échapper. Le « stock » est divisible, il circule librement pour chacun de ses utilisateurs sans affecter les autres.

Animate power and stock had none of these troublesome physical properties. More horses or human bodies could be assembled or contracted privately, without any need for coordination with strangers and competitors — but as we have seen, they were excluded for other reasons. There remained the stock. The greatest proof of the enormous advantage of steam power in this respect and its unlimited social potential to channel the expansion blocked from the rivers is the complete silence on the issue: no proprietors of steam mills can be heard protesting against a manufacturer higher up the road installing an extra engine. No one had his energy supplies directly diminished by his neighbour burning more coal in the morning. No plans for extensions had to be synchronised with others, and whatever price an individual entrepreneur paid for his coal — even if it was far higher than at Greenock or Turton and Entwistle — he could adjust it perfectly to his own consumption. The fire was his own.

[…] Here the private property of cotton manufactures found a source of energy congenial to its logic: piecemeal, splintered, amenable to concentration and accumulation, divisible. ‘In short, a motive power that in many respects was indeed a welcome gift of nature was often attended by a lack of independence in use and management,’ and to make matters worse, it cost, in Hunter’s trenchant formulation, ‘emotional energy from which steam-power users were entirely free’. 6-58 With this, we are very far indeed from the consummate rationality imputed to British industrialists by David Landes and innumerable other scholars. Drainage of emotional energy as a factor in the choice of steam power — clearly the more expensive option ? Not what should be expected by enlightened entrepreneurs.

Raisonnement merveilleux : Malm trouve en Hunter un écrivain aussi fou, idéaliste et irrationnel que lui. Il considère un avantage matériel et donc économique évident du charbon. Il lui colle l’adjectif émotionnel. Il en conclut que les industriels britanniques manquent de rationalité et que les autres historiens sont idiots. Je trouve difficile de décider si Malm lui-même est idiot ou malhonnête. Pour qu’il soit malhonnête, avec un argument aussi absurde, il faut qu’il suppose ses lecteurs idiots. Il est vrai que j’ai des amis que j’ai toujours cru doués d’une intelligence normale et qui apprécient Malm. Il se pourrait bien sûr que Malm soit effectivement malhonnête, et plus clairvoyant que moi sur les couleuvres que ses lecteurs peuvent avaler. Mais ce serait très tordu. Il est plus raisonnable de penser que c’est un illuminé.

Au passage, Malm admet l’aspect destructeur des travaux hydrauliques, mais c’est hors sujet puisque nous sommes occupés à une instruction à charge de la vapeur : la « dynamique de la transition » voulant dire les raisons tordues qui ont permis à la vapeur de gagner.

Further extension of reservoirs would, needless to say, have had its own ecological consequences, but our concern is not the environmental desirability or destructivity of titanic hydropower installations : we are dealing with the dynamics of the transition.

En fin de compte, l’hydraulique souffre d’un handicap qui n’est ni technique, ni économique, mais social.

continued use of waterpower required social qualities it plainly did not possess.

Chapter 7.
A Ticket to the Town :
Advantages of Steam in Space

Where Labourers Are Easily Procured

John Farey senior a écrit des considérations sur l’agriculture. Son fils John Farey junior devient industriel, auteur d’un Treatise on the Steam-Engine.

Index of progress, increasing wealth always presupposes drudgery, as explicated by the father with unusual candour: ‘Such Individuals only can be said to be rich, or possess property, who can thus command the labour of others, usually denominated Poor.’ For the son, the aim of the steam engine was nothing less than to expand the substance by widening, or perhaps darkening, its shadow. He opened the Treatise with a similarly straightforward declaration :

Unless the industry of the working class is systematically applied, and aided by the use of machines, there can be but little surplus wealth to maintain an educated class in society, and produce that state of general affluence which is conducive to the progress of civilization, and the development of the intellect.

It was in this sense that the steam engine promoted the highest ‘state of wealth and civilization’: it facilitated the production of surplus wealth.

Le père et le fils voient clairement qu’il n’y a de richesse que de l’exploitation de l’homme par l’homme et, pour ceux qui n’auraient pas encore compris cette vérité importante, ils ne manquent pas de l’écrire.

A Shift from Forced Labour to Steam Power

Les moulins à eau manquaient de bras. Les paroisses avaient trop d’orphelins sur les bras. On les a envoyés dans les usines textiles au bord de l’eau comme « apprentis », sans beaucoup de contrôle, donc plutôt comme esclaves. Mais l’esclavage des enfants présente des limites connues de tout esclavage. Comme on ne paie pas de salaire, on ne peut punir par des amendes retenues sur le salaire, ni motiver par un salaire aux pièces, ni faire miroiter des augmentations.

When water mills cried out for operatives in the 1780s, town parishes stood ready to succour them. At this time, poor-houses happened to be bursting at the seams with children; overseers were eager to jettison their urchins and bastards by sending them as indentured ‘apprentices’ to cotton manufacturers, who would feed, clothe and sweat them as they saw fit. The boys and girls themselves had no say in the agreements, of course. As soon as a child was in the hands of a parish, she could be dispatched if the overseer so wished, and once the transfer had been sealed, she would be the de facto possession of her new master.

For the mills growing along the riverbanks in the late eighteenth century, wage labour on a voluntary basis was not a sufficient option; apprentices had the great merits of being available, denied their free will, accustomed to conditions of strict hierarchy from early childhood in poorhouses and not in a legal position to object to technological or organisational experiments. Unlike families of wage labourers, they required no private cottages and could be lodged in the hundreds in far more cheaply constructed dormitories or ‘apprentice houses’. They might be ordered to work at night — something to which free labourers only consented if they were compensated — and whereas unbound children frequently hopped between mills in search of better conditions, the poorhouse hauls were captive for years. An average apprentice indentured from a London parish to a cotton manufacturer in the period between the 1760s and the 1830s commenced her service at the age of twelve and finished at twenty-one, meaning that she laboured for nine years — potentially half of her working life — without any remuneration whatsoever.

And this Preference Is Given, Why ?

En fin de compte, les capitalistes qui avaient d’abord fait fortune avec de puissants moulins à eau ont dû mettre en vente leurs installations, mais cette puissance impressionnante (comme les 600 cv des Hercules, ou bien Catrine) n’a pas trouvé d’acheteurs.

Steam and Agglomeration Economies

Malm mentionne les travaux de John Ericsson sur l’énergie solaire. J’ignorais totalement ces percées du 19e siècle. Ericsson utilisait la dilatation de l’air sous l’effet de la chaleur (hot-air engine V V ). À partir de là, je découvre les travaux antérieurs d’Augustin Mouchot V V sur la concentration de rayons solaires pour faire bouillir de l’eau, comme aujourd’hui, dans les années 1860-1870 ! Si la lumière solaire est gratuite, les machines ne le sont pas et, au prix du charbon à l’époque, ces réalisations solaires ont été admirées mais pas retenues.

A First Relative Emancipation in Space

Coal in the proto-fossil economy had the chief historical function of ‘permitting an increase in population density,’ in London by means of boats from the northeastern fields, in the manufacturing towns of Lancashire and Lanarkshire by means of carts straight from the pits.107 The original purpose of coal — heat for the populace — opened a hallway to population concentrations, which subsequently lured manufacturers away from water as a source of mechanical energy in a historical cunning of sorts. Coal in stoves contributed to the pattern of centralised settlements; water mills came into contradiction with this pattern; the conversion to steam resolved it by bringing capital and labour together. The spatial crystallisations of wage labour that played such a major role in the transition to steam rested on proto-fossil coal consumption — including, of course, the burning of coal for heat in manufacturing.

De tout temps (du moins du temps avec des villes), les gens des campagnes vont vers la ville quand ça ne va plus. À une certaine latitude, ça s’accompagne d’un problème de chauffage, mais ce n’est pas le problème central et voir dans le charbon en quelque sorte le fil conducteur de l’histoire de la fin du Moyen Âge au 19e, c’est une fois de plus tiré par les cheveux.

Such practices proved just how very different the steam engine was in its dependence on the liquid. It needed no falling or even moving water and no particular hydro-landscape features — just water, be it level, stagnant, even putrid.

(Juste avant, il a dit pour les usines à vapeur : « even sewage water ».) Bien sûr qu’un moulin à eau demande à l’eau une vitesse ou une énergie potentielle. Pour le reste, je pense qu’une eau sale dérange moins dans une roue à aubes que dans une chaudière.

A Paradox of Flow and Capital in Space

There is a striking paradox here. The flow was ‘in a state of motion by nature,’ as Babbage put it; the stock was utterly static. Yet from the standpoint of cotton capital, as it accumulated in space, the flow was stationary and the stock on the move, the still and the restless transposed. This can only imply that capitalist property relations of early nineteenth-century Britain had produced their own form of spatiality, which, after entering a moment of acute contradiction, had to reorder nature. Neither the crystallisations of labour power, nor the imperatives of factory discipline, nor the need for operatives or markets or machines emanated from nature — the other way around: they had to construct and rearrange nature out of available materials. Later, we shall follow the implications of this paradox to their theoretical, and political, conclusion.

Bonne illustration du caractère tout à fait délirant de Malm par moment. Car c’est beaucoup plus qu’un vague goût du paradoxe, c’est de la métaphysique. En nature, les rivières sont liquides et le charbon immobile, mais le capitalisme, en imposant sa forme propre de « spatialité » (catégorie métaphysique chérie de Malm), renverse l’ordre naturel (métaphysique) des choses : pour le capitaliste, la rivière est fixe est le charbon du capital circulant. Mais ce n’est pas un « réarrangement de la nature ». Déjà pour un Homo, même pas encore sapiens, il devait aller à la rivière pour trouver de l’eau, parfois loin, tandis que les silex taillés, il pouvait les mettre en poche. On voit bien qu’il joue sur les mots quand il dit que le flux, par essence mouvant, est stationnaire pour les capitalistes. Bien sûr que l’eau coule, et que la rivière, elle est où elle est et pas ailleurs. L’absurdité de ce passage de Malm est telle qu’on se demande s’il est idiot ou malhonnête.

« There is a striking paradox here » : tant qu’il s’agit d’information, de faits et de l’analyse des faits, Malm peut être très bon et les chapitres 4, 5, 6, 7 et 8 sont excellents. J’y ai beaucoup appris. Mais quand il passe à l’interprétation et à une soi-disant théorisation, on a pitié pour lui.

Chapter 8.
A Force to Count On :
Advantages of Steam in Time

Taxing Demands on Britain’s Rivers

‘The principal objection to water power,’ we have heard Thomas Ashworth pronounce, was ‘its irregularity’. He, Thom and other advocates of reservoir schemes took up the mission to obviate it, but their stillborn plans left water a captive of the weather. […] But then the engine could come to a stop whenever the weather so decreed. Ice might shut down mills for weeks on end in wintertime, particularly in northeastern Scotland. Dry spells reducing river levels and downpours raising them to the point where the streams would submerge the wheels were of greater concern; both phenomena would slow down or halt the machinery.

Les machines coûtaient cher, il fallait donc de très longues journées de travail pour récupérer plus vite ce capital, au moins douze heures. Or la rivière ne garantissait pas cela.

the drop in the river would force them to temporarily scale back to perhaps ten. This would evidently not have been a bother if the normal working day had ended there — not to speak of a hypothetical day of eight or six hours.

Malm montre ainsi que ce n’était pas la faute de l’énergie hydraulique, mais d’un handicap inégal, injuste que faisaient peser sur elle les longues journées.

Simple arithmetic tells us that such long spells were exacting for any given watercourse, compared to what shorter days would have been.

Les machines étaient un gros investissement. Les installations hydrauliques étaient un investissement particulièrement lourd.

Machines for cotton production were expensive to install: an hour of rest was an hour of wasted money. Extraordinarily weighty in this line of industry, fixed capital furnished a potent incentive to spread the costs over as many products as possible; keeping the mill in operation for another hour meant more commodities thrown off by the same machinery, building, wheel and engine.

C’est vrai de toute industrie, de toute l’industrie textile, mais la structure du capital était pour les moulins à eau assez différente de celle de l’industrie à vapeur.

… water mills. Insofar as these embodied exceptionally large fixed capital […] they were less flexible than steam mills, whose owners did not stand to lose as much if a few hours were trimmed off the day. Indeed, the two prime movers had opposite cost profiles : waterwheels sunk heavy capital into rivers whose fuels came for free, while the heftiest cost of steam engines was the circulating capital — the coal, for which masters had to pay only when the engines were running.

Ce lourd capital fixe rendait les capitalistes hydrauliques plus exposés aux irrégularités des débouchés et à la crise. (L’argument ne tient que pour le prime mover, les autres machines sont les mêmes.)

Ten Hours and a Half, Full Steam Ahead

La législation sur la journée de dix heures est un coup dur pour les industriels des moulins à eau : ils doivent rattraper le temps perdu du fait de l’irrégularité des rivières en imposant de longues heures supplémentaires. Des machines à vapeur à haute pression (celles de Watt sont à basse pression) étaient disponibles, plus rapides et beaucoup plus économes en énergie, mais présentaient un plus grand risque d’explosion. Avec la législation du temps de travail, ces machines plus rapides ont été adoptées pour faire tourner les machines plus vite tout en consommant beaucoup moins de charbon. Cela a accentué l’avantage sur le moulin à eau.

L’économie de combustible a diminué le coût de la vapeur. Mais comme cela a favorisé leur extension, ces machines plus économiques ont conduit à une augmentation de la consommation de charbon : « this was the episode that founded Jevons’s (sic) paradox: ‘It is the very economy of its use which leads to its extensive consumption.’ »

Chapter 9.
‘No Government but Fuel’ :
The Derivation of Power from Coal in Bourgeois Ideology

Steam Fetishism

Il identifie une idéologie de la vapeur, qu’il qualifie de fétichisme DM-8. « But here we immediately notice an incongruence. The steam engine was not a concept, like liberty or equality or anarchy : it was a thing. It would hardly make sense to speak of ‘steamism’ as analogous to liberalism or socialism », mais, fait-il remarquer, c’est précisément caractéristique du fétichisme de faire d’un objet un fétiche. « In the decades of structural crisis, the British bourgeoisie developed steam fetishism. »

Les ouvriers crevaient dans la misère. Par contre la petite et la grande bourgeoisie voyaient une accélération du progrès et ce n’était pas une illusion d’optique, même si ça fait râler Malm. Même si c’est nourri du sang des ouvriers, le progrès dû à la machine à vapeur est une réalité objective.

The Engine Keeps Good Hours, Drinks No Whiskey, and Is Never Tired

Commencing in the mid-1830s, the transformation of machine production had been all but completed by 1850. In this period of a decade and a half, British industry experienced the most concentrated spike in machine demand of the century ; at its end, little of the old order in the workshops remained. Machines would no longer be made by artisans but by machine tools — the slide rest, the planing machine, the boring machine ; machines for grooving, slotting, paring, drilling, polishing […]

Thus the steam-powered machine saved the steam-powered machine for a new era. Indeed, the mechanisation of machine production was vitally important for ending the structural crisis : without it, expanding capital accumulation on the basis of machinery simply would not have been possible. Only with the multiplied productivity and certainty of the machine tools could the self-acting mule, the power loom, the cylinder printing machine, the combing machine and, not the least, the steam engine itself be spread over the surface of the British economy.

C’est une observation intéressante que la mécanisation gagne tous les secteurs y compris la production des machines. S’il faut plus de machines, il faut bien améliorer la productivité à ce niveau. Je ne comprends pas l’usage du verbe « save ». De quoi fallait-il sauver la vapeur ? Veut-il dire qu’elle a eu bien de la chance ? Une chance imméritée ?

Mais, l’éternelle question de Malm : « but why not on the basis of water ? » Tout indique que pour les capitalistes de la fabrication des machines, les raisons de la mécanisation ont été les mêmes que celles des capitalistes qui utilisaient les machines : des raisons en partie sociales, donc, aux yeux de Malm, anormales, non naturelles.

Once capitalist property relations were established in commodity production, capital and labour were locked in combat, inducing the former to unleash wave after wave of machines to subdue the latter — and never more forcefully than in the first structural crisis. Here was the context in which bourgeois ideas on energy in general and steam in particular developed.

Bien sûr que les machines sont apparues dans certains rapports de production. Les machines, dont Malm oublie qu’elles servent d’abord à produire, servent aussi à modifier le rapport de force face aux ouvriers. C’est bien le contexte, mais que le contexte soit social n’implique pas que les idées des capitalistes ne peuvent pas être matérialistes.

The Magical Power of Machinery

If the automata of pre-industrial Europe had the main purpose of flaunting wealth, those of industrialising Britain were meant to further its accumulation. Only after this shift can we speak appropriately of what political ecologist Alf Hornborg calls ‘machine fetishism’.

Je ne sais qui est Alf Hornborg ni ce qu’il pense exactement. Je suppose que « political ecologist » veut dire vert intégriste comme Malm. J’aurais plutôt qualifié de fétichisme l’attachement aux automates jouets comme signes extérieurs de richesse et considéré comme progrès effectif la machine productive (de profit pour le capitaliste, de biens pour l’humanité). Sans doute que pour des verts intégristes, les automates des riches sont un jeu innocent tandis que le progrès technique est intrinsèquement pernicieux et y croire est le signe du fétichisme.

Il y a une illusion courante que l’automation supprime tout travail DM-9. Malm la reproche à Andrew Ure (1778-1857).

As with all forms of fetishism, however, this one had its many moments of concealment, two of which we shall mention here. In the writings of a Ure or a Babbage, the automated productive apparatus became an ontological category in itself, peopled only by inanimate beings, the subjectivity of the workers literally effaced from the shop floor. While this corresponded to actual endeavours, the mirage of perfect automation was always one step ahead of inventors and capitalists, always leaving a need for some human labour, however far it proceeded. This was obscured. Every now and then, it appeared in the form of a blatant but symptomatic inconsistency :

It is, in fact, the constant aim and tendency of every improvement in machinery to supersede the human labour altogether, or to diminish its cost, by substituting the industry of women and children for that of men ; or that of ordinary labourers, for trained artisans,

in the words of Ure.

Ce que dit Ure est très juste ; il faudrait l’avoir lu pour voir s’il est inconsistant.

How All the World Is Governed by Me

En 1824, on propose d’ériger une statue à James Watt. Malm souligne que cela se situe bien avant que le passage à la vapeur ne soit complet, ce qui montre bien, selon lui, le conditionnement des esprits dans la bourgeoisie de l’époque, « a sign of the sway », l’engouement irrationnel pour la vapeur.

Not coincidentally, The Oxford Dictionary gives 1826 as the first year that ‘steam’ began to be used figuratively to imply ‘go,’ ‘energy,’ ‘speed’ as in still-used idioms such as ‘full steam ahead,’ ‘picking up steam,’ ‘blowing off steam,’ ‘under your own steam’. First constructed in the mid-1820s, the ideology of steam was powerful enough to fossilise in the English language.

Fossiliser la langue anglaise ! Et cela n’empêche pas Malm d’en faire un usage très expressif.

In steam fetishism, the fundamental dependency — indeed, the ontological non-autonomy — of automatic machines could be explicitly recognised. No self-acting capacities were in fact self-generated, […] Authors of manuals were wont to dub it [the engine] the most important device ever made. In the eyes of Fairbairn, it had ‘effected more revolutions and greater changes in the social system than probably all the victories and all the conquests that have been achieved since the first dawn of science upon civilized life’: rather an extreme, but commonplace, hyperbole, echoing in another inflection today. 9-28

C’est la poule et l’œuf. Il y a des machines qui produisent, mais il leur faut un moteur, sinon elles sont impuissantes. Le moteur ne sert à rien si ce n’est pour entraîner des machines qui font quelque chose. Un capitaliste est bien payé pour le savoir. Je ne vois pas où le fétichisme intervient là. Serait-ce Malm qui ne comprend pas la relation dialectique entre machine et moteur ?

Je ne suis pas convaincu que ce soit du « steam fetishism » de considérer l’industrialisation au 19e comme un grand tournant dans l’histoire de l’humanité et même le plus grand. Cela reste vrai aujourd’hui. Il est vrai qu’aujourd’hui nous sommes confrontés à l’urgence de cesser de brûler du carbone, mais ce serait une grossière erreur de voir pour cela, comme Malm, d’un autre œil (« another inflection ») l’industrialisation.

Conceived as a class project, the engine was simultaneously — a slide typical for ideology — imagined to be a blessing for humanity. […] 9-29 In such excited prose, the interests and endeavours of the Freemason crowd — the actual bearers and owners of steam power — were obviously conflated with those of the human species as a whole.

Here the engine was appreciated for much more than its power to drive machinery. This might have been its principal task, but steam was eulogised for its incredible versatility, extending, of course, to navigation on the oceans and locomotion on land, to pumping mines and draining fens, to working on countless fields where humans had previously toiled and strained : a universal mechanical fetish, as it were.

Ce projet de classe, des capitalistes, est en fin de compte aussi (mais pas pour les ouvriers de l’époque) une bénédiction pour l’humanité. C’est le point de vue marxiste, tel qu’il s’expose dans le Manifeste de Marx et Engels. Ce n’est « un glissement idéologique typique » que pour un vert intégriste tel que Malm, qui n’est pas marxiste, sinon en surface. Aux capitalistes, la machine à vapeur a apporté d’énormes profits ; ce n’est pas du fétichisme. À l’humanité, la machine à vapeur a apporté le progrès ; ce n’est pas du fétichisme non plus. Elle a servi de moteur à de plus en plus de machines différentes effectuant des opérations antérieurement réservées aux hommes. Elle est ainsi réellement versatile, cela n’a rien d’un « fétiche universel ».

How shall we assess the prevalence of these transcendental tropes [images empruntées à la mythologie] ? Two interpretations are possible. Either writers on steam used myth as a foil to rationality, in order merely to underscore that true marvels belonged to the sphere of modern engineering — not to stupid saga — or they invested the engine with mythical power because they seriously believed, on some level, in its miracles.

Il y a dans le livre de nombreux exemples de cet effet rhétorique. Il est difficile d’affirmer sans rire que les capitalistes prenaient au premier degré des images mythologiques sur la machine à vapeur. Malm se replie alors sur l’insinuation que ç’aurait pu avoir quand même joué un rôle.

Self-acting mules, power looms, wool-combing machines could easily be installed in water mills, but machine fetishism never really hooked onto water. There were no campaigns for monuments honouring famous wheel inventors — if there had been, Thom might have thought himself a candidate — no hydro-idioms introduced to the English language, no talk of water as ‘a great moral power’ or a metabolising organism or a fable come true, no steam capitalists coming to pay homage to the other side in Freemason’s Hall. When Robert Thom sought a broad explanation for the — in his view — irrational negligence of waterpower, this was the direction in which he groped :

Perhaps the brilliant success of the steam-engine has had no small share in it. The halo that encircled the brow of Watt seems to have attracted almost all the aspiring mechanical genius of the age to the steam engine; and the more natural, but less attractive, power of water were of consequence thrown into the shade.

How significant might this factor have been ? It is unlikely that capitalists chose steam over water if it gave them no particular profit, only losses, just because they wished to spend time with phantoms from the Arabian Nights. Yet it cannot be ruled out that steam fetishism exerted a real influence on the minds of manufacturers and mechanics, blinding them to the considerable potentials of waterpower technology. Wheels inspired no comparable fervour or bewitchment, lent no similar ambience of mission civilisatrice to their owners, fired no enthusiasm in the heart of bourgeois culture. Just like any other human beings, capitalists are more — or less — than exclusively rational creatures, and ideology can arouse passions, orient actions, egg on its adherents in their practical life, including in the sphere of commodity production.

En d’autres termes, Malm, pouvant difficilement prétendre que les capitalistes prennent des décisions seulement en suivant la mode, se contente de l’insinuer : « it cannot be ruled out that… ».

Like Thine Own Arm, Subservient to Thy Will

On comprend que les capitalistes trouvaient un avantage aux machines. Les machines ont besoin d’un moteur. Cette fois c’est plus difficile à comprendre, pour Malm, parce qu’il y avait deux moteurs : un bon, le moulin à eau ; un mauvais, la machine à vapeur. Pourquoi diable les capitalistes ont-ils fait le mauvais choix ?

What, then, were the ideological pathways that made machine fetishism pass by water and run into steam ? (This is but another way of posing the question of the transition.) The very same bourgeois values incorporated in automatic machines were found in engines but not in wheels.

C’est lui qui souligne.

Les capitalistes sont séduits idéologiquement par les machines — leur soumission totale qui diminue la dépendance des caprices des ouvriers. Or la rivière est un être de nature, capricieuse comme les hommes. Pour les mêmes raisons idéologiques, les capitalistes ont donc choisi la vapeur. Une preuve encore du caractère idéologique et fétichiste de l’attitude des capitalistes, c’est qu’ils disent nature au féminin : « with a revealing gendered language ». Très révélateur, indeed.

Workers might go on strike and water freeze ; workers might depart in a restless and migratory spirit and water run faster in faraway hills ; workers might refuse orders and water dry out; workers could embezzle materials and water flood premises. All vexations of human labour were mirrored in the flow. Conversely, all virtues of the automatic machine echoed in the stock, primarily, and in sum, the absolute absence of any autonomy. In 1848, Nassau Senior lectured on this essential advantage of steam at Oxford University :

What distinguishes it from all others is its manageability. Wind power must be taken as it is given by nature. It can neither be moderated nor augmented. Water power is rather more under control. It can always be diminished and a little may sometimes be done to increase it. The power of steam is just what we choose to make it.

« All vexations […] in the flow […] all virtues […] in the stock ». On le sent révolté par tant d’injustice : les vertus du coté du « stock », lequel est, on le sait, l’incarnation du diable.

Ses concepts de flux et de stock sont trompeurs. Son flux est quelque chose de rigide, un donné dont on n’est pas maître. Le charbon et la vapeur, qu’il appelle stock pour leur donner de la pesanteur, sont en fait plus « liquides », comme on le dirait de la monnaie. C’est d’ailleurs là qu’il veut en arriver : le choix n’est pas technique ou économique, mais social, en ce que cette liquidité du stock permet plus de flexibilité que le flux.

Des gens calculent à l’époque que la vapeur fournit l’énergie de millions d’hommes. « Fétichisme » hurle Malm :

Accurate or not, the figures conveyed a certain perception of steam : […], but — an altogether more fetishistic quality — as a kind of ghost population

et c’est lui qui souligne. Bien sûr, c’est lui aussi qui adopte le terme de fantôme pour obtenir un effet facile. C’est sa propre vision des choses, pas celle de ceux qu’il accuse de fétichisme.

Steam was perceived as the ultimate substitute for labour, because it was everything that labour was not. All its virtues were negations of working-class vices : here was a mechanical mega-worker and anti-worker. All its merits were also negations of the minuses of other energy sources, primarily water. Steam was valued for having no ways of its own, no external laws, no residual existence outside that brought forth by its owners; it was absolutely, indeed ontologically subservient to those who possessed it. ‘It is called into existence by the will of man,’ wrote Hugo Reid. The purpose of self-acting machinery — to reconsolidate power over labour — necessitated a prime mover over which capital could exercise absolute power while at the same time offering capital all the power it needed.

Il appelle ça du fétichisme. Il me semble que de la part des capitalistes, c’est au contraire une approche parfaitement matérialiste.

Par ailleurs, il a toujours soin de minimiser les aspects techniques pour hypertrophier les intentions politiques. La seule utilité de la machine, ni même la principale n’est pas de reprendre le pouvoir sur la classe ouvrière (« reconsolidate power over labour »), mais comptent aussi, et peut-être plus encore, la quantité de produit, la rapidité, l’uniformité du produit…

Chapter 10.
‘Go and Stop the Smoke !’ :
The Moment of Resistance against Steam

The Spigot Opened by Force

But was there something more going on that summer ? Did the plug drawers only seek to hit their counterparts where it hurt the most, or did they also demonstrate animus towards a certain prime mover ? How are we to interpret — to all intents and purposes, the term is warranted — the Plug Plot Riots ? There is clearly a danger of reading too much into them. By no stretch of the imagination can they be regarded as a revolt against steam power : this was an uprising for decent living standards and political power — ‘a fair day’s wage for a fair day’s work,’ plus the Charter — in which the fossil economy figured as the material terrain of the struggle, one party rolling forth its ragged brigades to seize and close it, the other its uniformed soldiers to retake and open it. So far, however, historians have succumbed to the opposite danger of not reading anything into the Plug Plot Riots, even when the signs are there to see.

At a minimum, the pandemic of plug drawing proved that the tenets of steam fetishism had not trickled down to the working class : knocking out a plug or raking out a fire was not a means of showing reverence for steam. What other message did it send ? We would want to know more about what the plug drawers actually thought about steam power.

Tout en commençant par dire que ce serait exagéré, il se prend à insinuer que, derrière la lutte économique, on verrait la classe ouvrière partager sa haine à lui, Malm, pour l’ « économie fossile ». C’est sûr que les ouvriers n’aimaient ni le capitalisme, ni les machines, ni les fumées, mais d’un point de vue prolétarien, pas du point de vue du sentiment vert de Malm.

The Climate of the Factories

The general strike of 1842 was the most dramatic episode, but far from the only one ; much like the water reservoirs, there is a current of unsuccessful opposition to steam running all the way from the Albion Mill to the late nineteenth century, waiting to be uncovered.

Les capitalistes des moulins à eau ne sont pas les seuls à avoir lutté (et perdu) contre les capitalistes de la vapeur. Les ouvriers aussi ont tenté sans succès de résister aux capitalistes de la vapeur. Il y a là tout un matériel qui attend d’être découvert pour entretenir encore plus de regrets.

Chapter 11.
A Long Trail of Smoke :
The Fossil Economy Consummated

Thus business-as-usual, as we know it today, became [1825-40] a material reality. It was the unique creation of Britain.

Sur l’absurdité de cet usage de business as usual, voir plus haut.

Chapter 12.
The Myth of the Human Enterprise :
Towards a Different Theory

Missing Steam

The disadvantage of distant watercourses did not stem from their deficient capacity to generate mechanical energy. Rather, it took the form of an ‘inconvenience’ — a trouble constituted not by the physical properties of the land, as in the theories of Ricardo and Wrigley, but by the incongruity between these properties and certain social relations, which necessitated, inter alia, access to centralised stores of labour power. Manufacturers were not pushed into the steamy towns by natural limits to the land ; attractors more powerful than cheap energy pulled them in.

Malm disqualifie des inconvénients parce qu’ils sont de caractère social. Mais tous les désavantages sont matériels.

Universalising Business-As-Usual

We want to know why self-sustaining growth was first welded to the combustion of fossil fuels : why the agents of economic expansion turned to the stock and made it the indispensible foundation for further rounds. In the mature fossil economy, they no longer chose between flow and stock. The choice had already been made. The dying out of water mills in the British cotton industry signified a necessity to employ steam for manufacturers who wished to stay in the game ; no more an optional prime mover, the engine had become imperative for commercial survival. A law of motion subsequently spurred the fossil economy onwards: grow by burning or die — not only in cotton, of course, but in all major branches of industry, in all advanced economies, the spiral whirling through the various departments of labour. The moment of transition, then, marks the passage from an economy in which the stock was one possibility among several to one in which it reigned supreme.

P. 257.

Il y a un moment où la machine à vapeur a gagné et à tué les moulins à eau. Il n’y a alors plus de choix, c’est la machine à vapeur ou rien. Comment et pourquoi est-on passé du stade où on pouvait choisir au stade où on ne le pouvait plus. Malm décortique les explications d’un certain nombre d’auteurs qu’il classe comme ricardo-malthusiens et les trouve insuffisantes. (À Smith, Ricardo et Malthus, il oppose Ellen Meiksins Wood and Robert Brenner, p. 258.) Mais quel est l’enjeu de cette discussion ? Les choses se sont passées ainsi et pas autrement, pour des raisons indépendantes de l’opinion juste ou pas de commentateurs. Trouver ces commentateurs en défaut ne va pas modifier le passé. Ce n’est pas que Malm propose une meilleure explication, c’est seulement cultiver son éternel regret. Selon lui, puisque les explications sont mauvaises, cela n’aurait pas dû se passer ainsi. (En outre, les explications ne sont pas mauvaises ; elles sont peut-être trop courtes, unilatérales, mais elles sont justes pour l’essentiel.)

Conceiving of growth as an eternal, universal pursuit, the Ricardian-Malthusians cannot avoid a tautological account of the transition : it happened because humans act that way.

P. 2

Eh bien oui, les humains sont ainsi faits. Le genre Homo regroupe différentes espèces animales qui se distinguent dans l’évolution en se reposant plus sur l’intelligence que sur la force ; on en a vu plusieurs tailler des silex pour s’en faire des outils. Longtemps aussi, notre espèce l’Homo sapiens a taillé des silex, de mieux en mieux, pour que la chasse rapporte plus. Plus récemment, il a renforcé la croissance en introduisant l’élevage et l’agriculture et depuis, il n’a pas cessé de développer les forces productives pour vivre mieux et plus nombreux. Donc effectivement, oui, on doit concevoir « growth as an eternal, universal pursuit » et la machine à vapeur est un épisode normal de cette évolution. On peut trouver ça tautologique, mais il y a aussi au choix de la machine à vapeur des raisons concrètes et spécifiques, que Malm connaît, qu’il mentionne, mais qu’il n’aime pas, qu’il regrette et qu’il trouve donc toujours irrecevables. Cela « n’aurait pas dû arriver ».

Putting the Cart of Force before the Horse

The anomaly of steam is no less threatening to productive force determinism. As a matter of fact, the steam mill did not give us society with the industrial capitalist, but precisely the other way around. The arrow of causation can be in little doubt once we recognise that 1) capitalist relations of production antedated the steam engine, 2) such relations coalesced in a factory system based on waterpower and 3) the eventual incompatibility between them and the flow of energy induced the transition, in flat contravention of Marx’s law in The Poverty of Philosophy. Moreover, steam did not possess any intrinsic technical advantage at the time of the shift ; manufacturers let the brightest promises of water go to waste.

P. 272-273.

Il fallait un début de relations capitalistes pour introduire des machines dans le textile (pas seulement des outils) et leur motorisation (avec des moulins à eau). La machine à vapeur a permis de développer et de généraliser ce modèle à toute l’industrie. Sans elle, le capitalisme aurait seulement vivoté à la campagne. Il n’y aurait pas le capitalisme moderne tel que nous le connaissons. Malm aurait des vêtements en coton, mais n’aurait sans doute même pas un vélo. C’est ça que Marx dit. Il sait pertinemment bien que la machine à vapeur est postérieure au début du capitalisme, mais il estime avec raison qu’elle n’en est pas moins paradigmatique. Marx ne s’est pas trompé ; c’est Malm qui est de mauvaise foi, parce qu’il a quand même un peu lu Marx, même s’il n’a pas tout compris et beaucoup oublié. (Il a déjà abordé cette discussion plus haut.)

En fait Malm montre que Marx avait bien compris. Le capitalisme se développe avec des moulins à eau hérités de l’Empire romain. Mais comme Malm ne comprend rien à la dialectique, il pense qu’il y a un jeune Marx déterministe (celui de Bruxelles) qui se trompe, puis (à Londres) un Marx de la maturité, « constructiviste »,

We may thus distinguish between two stages in Marxian thinking on steam : one early determinism and one late constructivism […]

dans les manuscrits de 1861-1863 où il surmonterait les limites des Smith, Malthus et Ricardo.

Il en veut alors à Marx de n’avoir pas eu, suite à cette réfutation poppérienne de sa « loi » déterministe de l’histoire par le contre-exemple du moulin à eau, l’honnêteté de reconnaître son « erreur ».

Now one would expect that these empirical findings would have led Marx to renounce productive force determinism as a general philosophy of history, but it seems he could not bring himself to do this […]

P. 276.

Mais si Marx pense que la base économique détermine la superstructure en dernière instance, il n’est pas « déterministe » avec le simplisme de Malm. Pour Marx, il y a une relation complexe entre développement des forces productives et rapports sociaux de production, mais pas une causalité « déterministe » simple. Il ne pourrait donc pas reconnaître avoir fait « erreur » et retourner la flèche. La conception de Marx est dialectique (et elle est sans doute susceptible d’être raffinée), tandis que c’est Malm qui ne peut penser qu’en termes de déterminisme : si la flèche du déterminisme dans un sens ne lui convient pas, il ne peut imaginer quelque chose de plus subtil que de la retourner dans l’autre sens.

Chapter 13.
Fossil Capital :
The Energy Basis of Bourgeois Property Relations

The Perpetual Fire of Accumulation

The full formula for the circuit of industrial capital — that is, capital engaged in commodity production — therefore has a pivotal P in its midst:

M — C ⋅⋅⋅ P ⋅⋅⋅ C′ — M′

More precisely, the commodities bought by the capitalist fall into the two categories of Labour Power (L) and Means of Production (MP), giving the following extended formula :

M — C (L + MP) ⋅⋅⋅ P ⋅⋅⋅ C′ — M′

The meaning of P in these formulas is Production, or a closely regulated Stoffwechsel.

Malm reprend ces formules du début du Livre II du Capital. Mais chez Marx, la formule est homogène ; toutes les lettres représentent du capital, passant par différentes formes. Pour Marx, dans la formule

M — C ⋅⋅⋅ P ⋅⋅⋅ C′ — M′

on doit lire : capital as money (M) → capital as commodities (C) → productive capital (P) → more capital as commodities (C′) → more capital as money (M′). La lettre P ne représente pas le processus de production ou quelque StoffwechselDM-10. Ce premier chapitre de Marx porte sur le circuit du capital et la lettre P désigne le même capital, mais momentanément retiré de la circulation de marchandises, comme capital productif. (Bien sûr, s’il s’appelle productif, c’est qu’il est engagé dans le procès de production.) Plus loin, Marx décompose C en force de travail et moyens de production, en anglais L et MP.

The crux of this theory of growth is historical specificity. When not in his determinist mood, Marx wants us to defamiliarise growth : however familiar it might appear to someone born and bred in an advanced capitalist society, it has to be seen for what it really is : a quirk of history, an eccentricity of the present. Capitalist relations alone, Marx affirms in Theories of Surplus Value, « stimulate unrestrained development of the productive forces and of wealth », but « these relations are conditional ».

C’est Malm qui souligne les derniers mots qu’il cite de Marx. Une fois de plus Malm ne comprend pas la conception marxiste de l’histoire. Effectivement, c’est le capitalisme — et plus précisément la tendance du capitalisme à l’accumulation continuelle — qui amène pour la première fois l’humanité à une croissance soutenue. Il ne s’ensuit pas que c’est une anomalie, une bizarrerie. D’abord cette croissance en grand a toujours existé en petit. Tailler des silex pour en faire des outils, c’est déjà « détourner » du travail de la subsistance quotidienne en vue d’un futur avec plus d’aliments et une plus grande population. Sans une certaine croissance, nous serions toujours avant l’âge de pierre. L’idée de Malm c’est que l’accumulation est une maladie propre au capitalisme, dont la croissance est un symptôme anormal également propre au capitalisme. Mais c’est le contraire qui est vrai : la croissance est une constante du genre humain. Elle a été minime pendant des centaines de milliers d’années. Elle s’est légèrement accélérée à partir du néolithique. Elle ne décolle vraiment que sous le capitalisme, où elle passe par la forme effectivement particulière qu’est l’accumulation capitaliste. Sous le socialisme, on aurait une accumulation socialiste et une croissance socialiste, toujours dans la continuité du genre humain, mais, peut-on espérer, avec plus de souci de l’environnement et dans les mains des travailleurs eux-mêmes.

The General Formula of Fossil Capital

At a certain stage in the historical development of capital, fossil fuels become a necessary material substratum for the production of surplus-value. But they are not merely necessary as leather for boots, raw cotton for cotton textiles or iron ore for machines: they are utilised across the spectrum of commodity production as the material that sets it in physical motion. Other sources of mechanical energy are pushed to the fringes, while capital expands in leaps and bounds, energised by fossil fuels. These have now become the general lever for surplus-value production. With F for fossil fuels, as a portion of the means of production, we can thus write the general formula of fossil capital :

M — C (L + MP(F)) ⋅⋅⋅ P ⋅⋅⋅ C′ — M′

The more capital expands, the larger the volumes extracted and combusted ; integral to the Stoffwechsel, fossil fuels are now subjected to productive consumption in ever-growing quantities…

Ici le monsieur Malm qui bouleverse la science « améliore » le marxisme. Il introduit le combustible fossile dans la formule de Marx. Tiens, c’est bizarre. Il est nostalgique de l’hydraulique. Selon lui, la machine à vapeur n’était pas vraiment nécessaire. Mais si son énergie hydraulique avait gagné, le capitalisme aurait-il été moins capitaliste ? Si les capitalistes se mettaient à l’énergie de sources renouvelables, le capitalisme serait-il moins capitaliste ?

Toujours est-il qu’il développe un énorme arsenal théorique, le circuit du combustible fossile dans le circuit du capital : il faut du combustible qui permettra de produire et de consommer plus de combustible et même dans la valeur de la force de travail entre du combustible. Mais il y a plus. Malm décide au nom de sa théorie (de son postulat) de l’économie fossile que ce combustible est devenu partie intégrante, essentielle, inséparable du capital. C’est du vent, ça ne mène à rien, mais c’est un bel exercice de style. À côté de Malm, Dühring ne faisait que de la rhétorique pseudo-théorique. La pseudo-théorie de Malm a incontestablement plus d’allure. Un corollaire est que le CO₂ est attaché de manière essentielle au processus de production.

We may […] state that constantly increasing quantities of CO₂ are a no-less-necessary aspect of the production of surplus-value than market transactions; the combustion of fossil fuels in their solid form and the consequent release of CO₂ do not in themselves generate any value for the capitalist, but they are material requirements for value creation. The extended formula of fossil capital thus reads :

M — C (L + MP(F)) ⋅⋅⋅ P…CO₂ ⋅⋅⋅ C′ — M′

The Fossil Anarchy of Competition

Après des chapitres consacrés à la nostalgie de l’énergie hydraulique, Malm passe à la nostalgie d’un monde idyllique d’avant le capitalisme, un communisme de l’eau, en particulier dans l’Égypte sous domination ottomane :

Peasants were tied together in what Mikhail terms « communities of water ». They adhered to « the physical properties of the liquid’s movement, viscosity, and flow rate » and

the notion that the welfare of the whole always trumped the interests and desires of the few.

A. Mikhail, Nature and Empire in Ottoman Egypt : An Environmental History, Cambridge, 2011.

C’est Malm qui souligne dans ce qu’il cite de Mikhail. Si quand même il y avait des conflits, ils étaient gérés bien gentiment par l’impérialisme ottoman pour le bien de tous. Au contraire, « in capitalist relations, competition is law ».

In pre-capitalist property relations, direct producers and exploiters — if indeed any such exist — have immediate access to their means of life or luxury, their terraces and wheels, commons and courts.

Ainsi dans ces temps paradisiaques, certains connaissaient le luxe, tandis que d’autres travaillaient. Malm n’est cependant pas convaincu que vraiment il ait toujours eu des exploiteurs, c’est une question qu’il se pose. Sans doute que l’eau adoucit les mœurs.

The Production of Abstract Space by Means of Fossil Energy

As long as producers and means are united in their homes — think of the spinner and the wheel, the weaver and the loom — production will be diffused in space. Founded on their disjunction, capital realigns them within the confines of its properties: capitalist commodity production has a spatial logic of centralisation.

Il est juste de dire que le capitalisme pousse à des concentrations rarement atteintes auparavant, mais la concentration urbaine, motivée par la production et surtout par le commerce, est apparue rapidement après la révolution néolithique (Jericho, Çatalhöyük…). Il y a plus de quatre mille ans, Mohenjo-daro était déjà une grande ville. Bagdad au Moyen Âge a pu avoir de l’ordre d’un million d’habitants (comme Rome peut-être à son apogée) et même si l’initiative était militaire et politique, le développement de la ville venait aussi de la production et du commerce. La société capitaliste, société marchande, pousse à l’extrême le rôle du marché, mais les grands marchés localisés n’ont pas attendu le capitalisme. Sur, ce plan, il n’y a rien de très nouveau, à part la dimension nouvelle. Par rapport à la vie à la campagne, tout marché peut être qualifié d’espace « abstrait » depuis l’Antiquité et ce n’était pas lié à l’énergie fossile.

Surely underestimating the sway of capitalist relations over France, Browning nonetheless put his finger on the distinguishing predicament of Britain: no other country in the world had come even remotely as far in tearing its population away from fields and groves. For that reason — not for any unique strata of coal — did it breed fossil capital.

« For that reason […] did it breed fossil capital », phrase clinquante, mais le lien de causalité est inversé. Le capitalisme n’a pas inventé le charbon pour déplacer les populations. Différentes évolutions, dont la productivité à la campagne, ont déplacé les populations vers les villes et permis de développement du capitalisme. Ce développement du capitalisme, à son tour, supposait des sources d’énergie.

[…] the fundamental freedom ‘to place the power amongst the people, wherever it was most wanted,’ as Kennedy put it: it is the spatial mobility as such that matters to capital.

Two modalities of space here collide. In The Production of Space, Henri Lefebvre distinguishes between ‘absolute’ and ‘abstract’ space, the former being ‘made up of fragments of nature located at sites which were chosen for their intrinsic qualities (cave, mountaintop, spring, river)’. He exemplifies with architecture — temples and sanctuaries built on sites with inherent properties, such as a peak or well — but industrial water mills would be no less typical. ‘Then the forces of history smashed naturalness forever and upon its ruins established the space of accumulation 13-56.’ There emerged abstract space, where capital tears material components from their natural beds and heaps them up in places of its own choosing. Instead of going reverently to the mountaintops and rivers and establishing businesses there, as some temples on holy ground, capital carries away what it needs and pours it out in places where the production of more exchange-value can best proceed. Capital produces abstract space, as a matrix of nodes and arteries that evolve not through their revealed biophysical attributes, but through the circuits of capital itself.

The modality of abstract space ‘has something in common with the rationality of the factory’. Absolute, natural space ‘juxtaposes — and thus disperses: it puts places and that which occupies them side by side. It particularizes.’ By contrast, abstract, social space ‘implies actual or potential assembly at a single point, or around that point. It implies, therefore, the possibility of accumulation.’ For the first time, there is now a space in which property relations take precedence ‘over nature itself 13-57’. In the words of Neil Smith, prominent disciple and populariser of Lefebvre, capital strives relentlessly to emancipate itself from ‘natural space’ and produce a space ‘in its own image 13-58’. But abstract space remains eminently terrestrial. Like exchange-value, it must have its material substratum in ‘first’ nature; the raw materials for it can only come out of the earth itself, as fragments wrenched away and plugged into whatever circulatory space capital produces. ‘Thus’, with Lefebvre, ‘primary nature may persist, albeit in a completely acquired and false way, within “second nature” — witness urban reality’: the city would be nothing without the constant withdrawal of biophysical resources from its hinterlands 13-59.

Only the stock could ground the production of abstract space.

The Production of Abstract Time by Means of Fossil Energy

Marx’s answer is well-known: ‘Capital threw itself with all its might, and in full awareness of the situation, into the production of relative surplus-value, by speeding up the development of the machine system 13-72.’ Relative surplus-value is generated by curtailing the necessary labour time — if the worker formerly needed eight hours to cover her needs, now she might make it in six only — so that the surplus is extended backwards into the day, rather than forwards as in the absolute variant. This is achieved primarily by means of new machines (raising the productivity of labour), but also by stricter discipline (increasing the intensity). The coming of the Factory Acts marked the shift from absolute to relative surplus-value as the dominant strategy of accumulation: fewer hours remaining, more had to be produced within them, provoking another round of abstraction of time. In Marx’s words, the acceleration and intensification of labour caused a ‘condensation of labour time,’ or, even more suggestively: ‘The pores of time are so to speak shrunk through the compression of labour 13-73.’ With the pores shrinking, even less room was left for the fluctuations of concrete time, abstract time becoming ever more sovereign in its demands on labour.

The regime of absolute surplus-value attenuated the contradiction between flow and abstract time. As long as the latitude of the working day was so unrestrained as to absorb within it the swings of the flow, water remained a viable basis for capital; concrete time could still be reconciled with the abstract demands of accumulation, at the expense of the operatives who had to perform all the extra hours of work. But the Factory Acts ushered in a new regime of more labour in shorter time, without bulging pores of interruption, making the contradiction squarely unsustainable. The temporality of relative surplus-value — the shrinking of the pores; the heavier, more extensive machinery — demanded that breaks in mechanical energy be banished, underlining the benefit of a prime mover that could be sped up at will.

Il est intéressant de voir comment la législation sur le temps de travail a encouragé les capitalistes à intensifier le travail et comment ceux des moulins à eau se sont trouvés en plus grande difficulté, mais une fois de plus on ne peut se défaire de l’impression que le « temps abstrait, abstract time », c’est une conceptualisation du genre tuer les mouches avec un boulet de canon. Mais c’est dans la ligne de Malm d’opposition entre nature et capitalisme. La nature c’est le temps concret, la discipline imposée par les capitalistes, c’est le temps abstrait. Il a conscience de de que le temps concret proche de la nature des capitalistes des moulins à eau (la flexibilité à outrance et les journées sans limite) n’avait rien d’idyllique pour les travailleurs, mais des capitalistes proches de la nature ont cependant toute sa sympathie.

Real Subsumption of Labour by Means of Really Subsumed Nature

[…] labour power is a very special commodity. In fact, it is a commodity only in the weak sense of being bought and sold on a market, but not in the full sense of being produced for sale (there being no establishments for the manufacturing of people).

In one respect, the flow of energy is like labour power: a commodity only in the weak sense of being hired for use, not in the full sense of being produced for the market. That is why water had no exchange-value, why it was so much cheaper than steam and why it had to be discarded. The stock, on the other hand, is but a dormant potential, awakened as a force of nature only through the touch from the resources of capital, its acquired means and labour. That is why coal had exchange-value, why steam was more expensive and why it had to be chosen. (It is likewise the reason for the existence of primitive accumulation of fossil capital and the absence of any equivalent on the side of the flow.) We see here another series of paradoxical reversals: the renewable, common, already activated source of energy appears to capital irreproducible, exclusive, disabling. Only the stock can be conjured up as a power in motion internal to capital itself, setting it free from lowing nature and, indeed, from everyone else, in a sort of thermodynamic autoeroticism.

Il est vrai que la force de travail est une marchandise un peu particulière en ce sens qu’elle n’est pas produite pour le marché. Cependant il est faux qu’elle n’est assimilable à une marchandise que parce qu’achetée et vendue. En effet, elle incorpore du travail passé : la production des biens que le salarié achète avec son salaire pour reconstituer sa force de travail (y compris faire des enfants).

Le deuxième passage est pire. Le flux de la rivière n’est jamais une marchandise ; il n’est en rien comparable à une marchandise, même marchandise particulière, comme la force de travail. Si un capitaliste doit payer pour la rivière, c’est qu’elle est entre les mains d’un propriétaire foncier, rentier qui exige une rente. Le fait qu’elle est gratuite (à part cette rente) n’empêche en rien d’en profiter. La thèse « why it had to be discarded » est absurde. Ce qui a conduit les capitalistes à l’abandonner, c’est un certain nombre d’inconvénients que Malm décrit bien ailleurs, pas du tout le fait que « water had no exchange-value ». En outre le charbon dans la terre avant qu’on l’aille chercher a exactement le même statut que la rivière : totalement gratuit (sauf la rente éventuellement prélevée par un propriétaire foncier), aucune valeur d’échange. Si on considère l’énergie utilisable comme moteur pour les machines, la rotation de l’arbre de sortie du moulin à eau ou de la machine de Watt, c’est dans les deux cas le fruit d’un travail, même si la structure est assez différente : un peu d’entretien mais de lourds investissements pour le moulin, beaucoup de travail pour le charbon et la machine à vapeur. Il faut remarquer que la rotation de l’arbre de sortie n’est pas vendue mais utilisée par le capitaliste lui-même dans sa propre usine. De nouveau, ce n’est pas là qu’est la différence.

Tout au long du livre, mais tout particulièrement dans ces deux passages sur la force de travail et sur la nature, Malm déforme les concepts de Marx pour faire avaler sa propre vision des choses. C’est une des nombreuses occasions qui montrent qu’il est rhétorique et pas scientifique. L’assemblage des mots donne l’impression, mais l’impression seulement, d’une pensée rationnelle.

Si ce n’était un livre à prétention scientifique, et donc de l’arnaque, ce livre, je le répète, je l’adorerais. Expliquer les motivations du capital comme masturbation thermodynamique, quelle trouvaille ! mieux encore que le fétichisme de la vapeur du chapitre 9. Beaucoup plus original en tout cas que l’esprit du protestantisme de Weber, lequel était pourtant contemporain de Freud.

La machine permet de discipliner les travailleurs. Voir Marx, Capital III, chap. 38, Differential rent — General remarks: « the coal that transforms water into steam », MECW 37:636-637.

If the autonomy of the working class is to be fought by a regiment of machinery, the prime mover — the field commander — had better be reliable 13-86. The vertical waterwheel was one of the instruments inherited by capital from previous exploiters; found on hand, it was retrofitted for accumulation and coupled to the first machines for spinning cotton, real subsumption in the spinning department commencing on the basis of water — an asymmetry rectified in the crisis. At the beginning of its career, capital ‘relies on the crutches of past modes of production,’ Marx writes in the Grundrisse, but as it matures ‘it throws away the crutches, and moves in accordance with its own laws 13-87’. Waterpower was such a crutch, and capitalists who kept walking with it — the Ashworths, the Gregs — eventually appeared as dinosaurs with their demands for renewed legal powers for formal subsumption and absolute surplus-value: no clemency towards unions, unlimited working days, doors locked to the inspectors.

Seen from another angle, a concatenation of events in the crisis spurred the shift.

Le moteur devrait être fiable. Tiens, il me semblait que le moulin à eau avait les plus grandes qualités et que la prétendue supériorité de la vapeur était un « mystère ». Une convergence d’événements a donné au capital l’occasion de passer au « stock » pour contrer les travailleurs.

On ne peut pas discipliner la nature (l’eau du moulin à eau) comme le charbon (produit, valeur d’échange). Le capitaliste s’empare du travailleur comme il s’empare de la nature, mais ce n’est pas totalement comparable. Le charbon permet de se passer du moulin à eau ; on ne peut pas se passer complètement des ouvriers ; cependant le charbon permet (par l’automation) de mieux les tenir en respect. C’est de toute manière brûler plus de charbon :

Real subsumption of labour and of nature were at one, but not identical; in some critical respects, labour power is sui generis. The flow can be outright replaced with the stock (a true commodity), but there will always be a residuum of human labour (as a pseudo-commodity) — and therefore of autonomy, if only flickering — in the process of production. Capital will therefore encounter fresh incentives to push workers further to the wall by means of machinery, in new rounds of automation resting on growing withdrawal from the stock. The differences between the two processes of subsumption — one more complete than the other — ensure that more fuel is poured on the fires.

Tiens, en disant ça, Malm admet la supériorité, qu’il conteste, de la machine à vapeur. En effet, c’est l’automation qui permet au capitaliste de limiter l’autonomie des travailleurs. (Le moteur n’intervient qu’au second plan.) Invoquer l’automation pour accuser la vapeur, c’est admettre que le moulin à eau n’aurait pas permis un plus grand développement de l’automation.

Stabilising Power, Destabilising Climate

« Man’s power over Nature », C. S. Lewis once observed, « turns out to be a power exercised by some men over other men with Nature as its instrument. »

C’est unilatéral. Bien sûr la production ne se fait que dans des rapports sociaux déterminés où certains ont du pouvoir sur le travail des autres. La nature y intervient, mais le rôle de la nature dans la production n’y est pas réductible. Avec ce point de départ biaisé, tout le paragraphe est faible. On apprend que le CO₂ est l’émanation du pouvoir du capitalisme. « A chunk of the excess CO₂ currently in the atmosphere, yet to be quantitatively specified, might be regarded as a biogeochemical instantiation of the power accumulated/dissipated by capital. »

The Elizabethan Leap and the Primitive Accumulation of Fossil Capital

L’accumulation du capital conduit à de plus en plus de capital. De sa pseudoscience de la circulation du charbon, il déduit par un bel exemple de pensée analogique (par opposition à rationnelle) que la circulation du charbon ne peut qu’augmenter, mathématiquement ! Par ailleurs, une théorie de l’accumulation fossile c’est bien, mais ce serait plus beau encore si on poussait l’analogie jusqu’au bout. Pour que ça continue à circuler, il faut des débouchés. « But to complete the analogy, we need to add »… à ce processus d’accumulation, il faut aussi un point de départ. Malm nous offre donc une théorie de l’accumulation initiale du capital fossile. Ça ne veut rien dire, mais on ne peut nier que dans ses phrases, il y a des sujets, des verbes et des compléments là où il faut.

Remarque intéressante en passant. Les enclosures ont transformé des communs en terres privées des maîtres, surtout pour développer l’élevage du mouton. Mais il y a eu des enclosures aussi pour tenir le peuple à l’écart des ressources souterraines et en permettre l’extraction 13-117.

Malm cite des auteurs selon lesquels l’Angleterre et l’Écosse n’ont jamais manqué de forêts ; les forêts auraient même augmenté ; le manque de bois ne peut donc justifier le passage au charbon. L’argument est absurde. Bien sûr que les forêts se sont maintenues si on a utilisé du charbon plutôt que de les raser. Si l’industrie s’était développée sans charbon, il ne resterait sans doute plus de forêts ! Malm admet cependant qu’autour de Londres, les forêts étaient décimées. Serait-il encore dans son trip hydraulique ? On aurait pu se chauffer au bois (sauf à Londres) et faire tourner l’industrie avec de l’eau, sans charbon ? (Il oublie de nous dire comment on fait des trains hydrauliques ou des hauts-fourneaux hydrauliques.)

« Capital does not eat because someone is hungry: capital always eats. » C’est un bel exemple à la fois du don de Malm pour l’écriture et du caractère approximatif (pour ne pas dire plus) de son marxisme. À partir d’une accumulation initiale, le capital accumule les profits pour faire encore plus de profits et accumuler toujours plus. Comme le procès de travail est fondé sur des ressources naturelles, cette accumulation forcenée entraîne une grande consommation de ressources naturelles, mais ce n’est pas la même chose de dire, ce qui est faux, que le capitalisme consomme pour consommer et encore moins de n’importe quelle ressource. L’accumulation forcenée n’entraîne pas la consommation forcenée de chaque ressource. Le capitalisme peut très bien dans son développement déplacer l’accent sur d’autres matières premières et d’autres sources d’énergie. Les moulins à eau n’en sont-ils pas l’exemple ?

Chapter 14.
China as Chimney of the World :
Fossil Capital Today

Globalised Fossil Capital

In the abstract space of a globalised economy, customers can be served from practically anywhere ; sites of production can be dissociated from sites of consumption ; capital may pick and choose between export platforms — and the lever by which it reaches and exploits labour is fossil energy.

Dans la « transition », le charbon a permis aux capitalistes de se délivrer de la contrainte de la localisation des moulins à eau. Que ce soit encore aujourd’hui une source d’énergie facile et pas chère est purement contingent. Ce n’est pas par essence que l’énergie fossile serait l’instrument ordinaire de l’exploitation.

On this view, the production of abstract space is not a capitalist monologue but a way of staying one step ahead in the class relation, bolstering the freedom to evade, approach and parry labour from an outer rim of circulation.

Le capitalisme peut se délocaliser et il peut à tout moment se délocaliser encore pour se relocaliser ailleurs. Dans cette relation à la classe ouvrière, il conserve donc l’initiative, il reste en position de force. Là-dedans, les mots « the production of abstract space » ne viennent rien faire, n’ajoutent rien, mais avouez que ça a de la gueule ! En sciences humaines on ne se mouche pas du pied. Ce Malm n’est pas n’importe qui.

The Chimney of the Workshop

[…] the post-Maoist state released — to interpret it benevolently — hundreds of millions of young farmers from the countryside into the cities. But the ‘floating population’ retained one foot in the villages, falling back upon traditional sources of income in need, reducing the reproduction costs of labour power ; inside the cities, meanwhile, attempts at independent union organisation were nipped in the bud, the working class subdued and delivered to foreign investors 14-34.

Il y a deux idées dans ce passage :

  • que le lien a la campagne continue à fournir à certains travailleurs des villes des moyens d’existence en marge de leur salaire diminuant ainsi la valeur de la force de travail ; idée intéressante mais qui demanderait une vérification — je n’ai pas lu les références qu’il donne ;
  • que le gouvernement déporte des millions de paysans de la campagne vers la ville où il leur interdit toute organisation syndicale pour les livrer sans défense aux investisseurs étrangers ; les autorités chinoises doivent être prises dans la contradiction entre offrir des conditions favorables aux investisseurs et défendre les droits des travailleurs, et cela n’est sans doute pas toujours arbitré de manière correcte, mais dire que les autorités sont entièrement contre les travailleurs me semble — to interpret it benevolently — exagéré.

Malm adore son propre jargon en « fossil », « abstract space », « abstract time »… et il ne manque pas de le replacer régulièrement même, surtout, pour ne rien dire :

Beijing — honing its skill at producing fossil-abstract space

If Manchester was the ‘chimney of the world’ in the 1840s, the People’s Republic of China assumed that position in the early twenty-first century primarily because globally mobile capital seized upon it as its workshop. Or, to reach the centres of populous towns, where labourers were easily procured and trained to industrious habits, capital deployed fossil energy in ever greater volumes, pursuing the modus operandi first laid down by the rise of steam…

Une fois de plus de l’arnaque ou, disons, pour rester poli, de la pensée analogique telle qu’on l’attribue aux primitifs. Dans la transition du moulin à eau à la machine à vapeur, un des motifs de ce « choix mystérieux » était d’aller là où on pouvait trouver à bon compte une main-d’œuvre abondante. Les capitalistes vont en Chine pour la même raison. Que cela implique de brûler plus de carbone est purement contingent. Si tous les grands navires marchands étaient à propulsion nucléaire comme certains de leurs équivalents militaires, si l’électricité chinoise était comme en France majoritairement nucléaire, les capitalistes iraient quand même en Chine. Ce qui est en question dans la transition, c’est le choix entre moulins à eau et machines à vapeur. Dans la délocalisation vers la Chine de l’industrie américaine et européenne, il ne s’agit pas d’un choix entre « flux » et « stock ». Les capitalistes ne délocalisent pas pour fuir une Europe ou des États-Unis dont l’énergie aurait le tort pour les capitalistes d’être entièrement de sources renouvelables, à laquelle ils préféreraient l’énergie « fossile ».

Chapter 15.
A Return to the Flow ?
Obstacles to the Transition

Woes of the Gratisnaturkraft

« Our best hope now is an immediate return to the flow. » Dans l’idéologie verte, on fait une grande économie de pensée. L’énergie nucléaire étant exclue a priori, on ne perd pas son temps à en balancer les avantages et les inconvénients.

L’énergie de source renouvelable a connu un grand développement, mais reste très très marginale cependant. Est-ce question de prix. Mais le prix baisse. « Had the costs of climate change, air pollution, lethal accidents and other ‘externalities’ been included in the market price of fossil fuels, they would not have stood a chance — and neither would steam power in the nineteenth century ». (Il oublie une terrible externalité du renouvelable marginal : le maintien de la même capacité de production en électricité sur turbine à gaz. Si on comptait le coût réel, « they would not have stood a chance ».

Il semble que l’énergie renouvelable connaîtrait un prix de plus en plus compétitif, mais ne semble pas réussir tellement bien. De grands acteurs font marche arrière, certains font faillite. Serait-ce qu’une source gratuite ne permettrait pas suffisamment de profit ? Plutôt que d’analyser sérieusement le problème, Malm invoque le paradoxe de Lauderdale, ce qui est très à la mode. Lauderdale dit que la privatisation de ressources naturelles enrichit ceux qui s’en emparent et donc la richesse de la nation (on pourrait dire le produit national brut), mais cela appauvrit la population qui y avait accès gratuitement et doit maintenant payer. Malm, lui, suppose que si une chose est gratuite ou presque, elle ne peut rien rapporter aux capitalistes et ils n’ont donc aucune raison de s’y intéresser. Or (i) ce n’est pas cela le paradoxe de Lauderdale ; (2) on demande si Malm vit sur une autre planète ; sur la nôtre, Suez voit bien le moyen de gagner de l’argent sur l’eau. Sur la base de son erreur, il se perd dans de grandes considérations philosophiques.

It is too early to tell if these trends will persist, but we do here discern the contours of a version of the ‘Lauderdale paradox’: the less exchange-value that is attached to a necessity of life — such as light or air — the less interest capital will have in producing it as a commodity for the market. Or, the more the price of energy from the flow approaches the zero cost of the fuel, the smaller the prospects of making profit and the more deficient the private investments will be. If this is correct, a realisation of the potential of solar and wind on the basis of capitalist property relations would, at some point, become another self-undermining, involuting enterprise. It remains to be seen if the data bear out such a prediction or if capital comes running back to the panels and turbines — perhaps a decelerating productivity race would protect factories from devaluation and entice more spending (which would, however, itself undercut prices). One thing seems certain, though. The spatiotemporal profile of the flow does not allow for anything as lucrative as the primitive accumulation of fossil capital: since the fuel is not hidden away in a separate chamber, but rather hangs like a fruit for anyone to pick, there is little surplus-value to extract in its production — no gap between the location of the energy source and that of the consumers in which the chasm between capital and labour could be reproduced. To some, res communes remain off-putting.

Naïvement sans doute, j’ai toujours cru que la plus-value provenait du travail et de l’écart entre la valeur produite et la valeur de la force de travail. Mais pour Malm, cela viendrait de l’écart entre la source et les consommateurs. Il a dû lire un autre Marx que moi. Bon, j’exagère, le problème n’est pas là. La différence est que j’ai le tort de penser rationnellement tandis que « no gap between the location of the energy source and that of the consumers in which the chasm between capital and labour could be reproduced. To some, res communes remain off-putting » est plutôt de l’ordre de la poésie et de cela la raison ne peut pas rendre compte. Comme dit Pascal, « le cœur a ses raisons… ».

A Flow against the Tendency of Things

Il admet que l’intermittence (jour-nuit, été-hiver) et l’inégale exposition au soleil (entre le nord et le sud, dans notre hémisphère) sont des inconvénients « spatiotemporels ».

On entend souvent l’idée fausse que les énergies de source renouvelable sont des énergies « de proximité », décentralisées DM-11. Sur ce point, Malm critique justement Herman Scheer et le « small is beautiful ». L’amour des « circuits courts » est étranger au capitalisme du temps de la mondialisation. Les matières premières et les combustibles fossiles sont amenés de n’importe quelle distance aux grandes concentrations industrielles. On ne voit pas les capitalistes, pour se rapprocher des sources renouvelables en circuit court, recréer de petites unités de population et de production comme autour des moulins à eau qu’ils ont abandonnés pour cette raison.

Important. Malm annonce une relecture de l’histoire qui serait instructive pour nous aujourd’hui. Il procède à cette relecture, mais ne dit autant dire jamais où il veut en arriver. On a ici au moins un point de référence explicite. Notons donc [comparaison 1] : on a vu les capitalistes abandonner les villages autour d’un moulin à eau pour se libérer de contraintes sociales ; ils ne vont pas retourner à un modèle semblable. C’est cependant d’un intérêt limité puisque la leçon ne concerne que ceux qui partagent les illusions de Scheer.

A Catch-22 of the Transition

On pourrait compenser ces inconvénients « spatiotemporels », comme le projet Desertec ou l’installation en Norvège de stations de pompage pour les autres pays d’Europe.

After the transition, Jevons imagined how coal could be made entirely redundant by some intelligent planning:

The most perfect conceivable system of machine labour might be founded on hydraulic power. Imagine an indefinite number of windmills, tidal-mills, and water-mills employed to pump water into a few immense reservoirs near our factory towns. Water power might thence be distributed and sold as water is now sold for domestic purposes. Not only all large machines, but every crane, every lathe, every tool might be worked by water from a supply pipe, and in our houses a multitude of domestic operations, such as ventilation, washing, the turning of the spit, might be facilitated by water power 15-36.

Jevons, économiste, avait d’abord une formation scientifique. Il est curieux qu’il puisse imaginer de distribuer l’eau partout avec une pression suffisante pour en faire un moteur. Cela ne semble pas déranger Malm non plus qui ne voit que le problème de la concurrence : « We know on what blocks such ideas stumbled. »

Comme au 19e pour les plans de canaux et de réservoirs, la concurrence s’oppose à de tels accords. (Il ne se demande pas s’il est souhaitable que toute grande ou petite vallée en Norvège devienne un barrage de retenue pour le reste de l’Europe.) En langage malmien :

On the one hand, a return to the concrete fold of the flow would tear apart abstract spatiotemporality. On the other hand, an attempt to create the most abstract possible space and time out of the concrete flow would demand comprehensive planning.

En effet, pourquoi dire les choses simplement quand on peut les dire de manière compliquée.

Important. Malm annonce une relecture de l’histoire qui serait instructive pour nous aujourd’hui. Il procède à cette relecture, mais ne dit autant dire jamais où il veut en arriver. On a ici au moins un deuxième point de référence explicite. Le premier était plutôt social, celui-ci plus technique. Notons donc [comparaison 2] : compenser l’irrégularité des rivières pour les moulins à eau aurait demandé une planification que la concurrence capitaliste n’a pas permise au 19e ; les énergies de source renouvelable aussi demanderaient une grande planification, toujours impossible aujourd’hui.

Towards a Planned Economy for Power ?

Il critique le marginalisme courant chez les écologistes, ajouter des éoliennes sans vue d’ensemble.

Expressing a common credulity, Scheer writes that ‘every single investment in renewable energy is synonymous with CO2 avoidance’: if you erect a wind turbine on the hill, it will automatically replace a proportionate quantum of coal. But that is not how a capitalist economy works.

On est devant un problème urgent. « Any argument along the lines of ‘one solution — revolution’ or, less abbreviated, ‘socialist property relations are necessary to combat climate change’ is now untenable », parce qu’il n’y a pas de perspective de révolution avant assez longtemps, beaucoup trop longtemps par rapport au réchauffement.

Il arrive aussi sous le capitalisme que l’État prenne le taureau par les cornes, comme dans l’effort de guerre en Angleterre et aux États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, mais cet effort de guerre n’était pas opposé aux intérêts du capital. La menace climatique n’est pas comparable, dit-il. Ce n’est pas très convaincant ; je suppose que si l’État paie (c’est-à-dire la population, pas les capitalistes), les capitalistes adoreraient les énergies d’origine renouvelable. Ce qui n’est pas comparable, c’est la déclaration de guerre qui ne laisse pas le choix.

The Last Escape from Planning

Des gens rêvent de s’en sortir sans transition énergétique par diverses solutions dites geoengineering. C’est très incertain, mais c’est plus capitaliste et donc moins improbable qu’un ministère de la Transition vers un futur pauvre en carbone.

Notes

DM-1.
Dans la machine de Newcomen (1712), le va-et-vient du piston actionne une pompe ; elle n’était appliquée qu’à l’assèchement des mines. Le piston était aspiré par dépression en refroidissant la vapeur dans le cylindre. La perte d’énergie était énorme. Watt a amélioré le rendement avec des cylindres à double action (les deux côtés du piston) et plus tard en travaillant avec la pression plutôt que la dépression. Watt a ensuite réussi à y appliquer les techniques de la bielle et du piston pour transformer le mouvement alternatif en mouvement rotatif, vers 1776. (Les idées de manivelle, puis de bielle, étaient acquises depuis longtemps, mais les appliquer à la machine à vapeur n’était pas simple.) C’est le début (qui sera encore lent) de la diffusion large des machines à vapeur.
DM-2.
Dans son histoire de la révolution industrielle, tout en mentionnant de-ci de-là des usages caloriques du charbon, Malm se focalise sur le moteur, hydraulique ou à vapeur. Mais le charbon, transformé en coke, a été essentiel au développement de la sidérurgie à partir de 1709. Sans le remplacement du charbon de bois par le coke de charbon de terre dans les hauts-fourneaux, il ne resterait plus un arbre debout en Europe et dans d’autres pays industrialisés. Qualitativement, le charbon « calorique » (sidérurgie, mais aussi cimenterie, etc.) est aussi fondamental que le charbon « moteur ». Quantitativement, le charbon « calorique » et le charbon « moteur » faisaient part égale à la veille de la seconde guerre mondiale. L’image que donne Malm du charbon seulement en relation avec la machine à vapeur semble très partielle pour le 19e siècle. (Je ne trouve pas tout de suite une répartition de l’usage du charbon par secteur à différents moments du 19e siècle.) À partir du début du 20e siècle, le moteur électrique a progressivement remplacé la machine à vapeur. Si on compte l’électricité comme du charbon « moteur » indirect, ce dernier devient au cours de la seconde moitié du 20e siècle cent fois plus important que le charbon « calorique » (hors électricité).
DM3.
Ce à quoi on veut en arriver dans la critique du concept, c’est que c’est le capitalisme qui est responsable de la menace climatique, pas les gens. C’est juste. Une autre objection que celle de Malm est que les autres noms en « -cène » désignent des périodes géologiques caractérisées par des couches géologiques reconnaissables et qu’on peut douter que le concept d’anthropocène soit vraiment géologique.
DM-4.
Die Handmühle ergibt eine Gesellschaft mit Feudalherren, die Dampfmühle eine Gesellschaft mit industriellen Kapitalisten. MEW 4:130 — MECW 6:166.
DM-5.
Par ailleurs, Marx est très clair là dessus dans le Capital, Livre I, chapitre 13, § 1, « Le développement de la machinerie ». (C’est le chapitre 15 dans des éditions françaises obsolètes et en anglais.) Voir les phrases que j’ai notées en d-meeus.be/marxisme/classiques/Capital-Ichap13.html#Capital-Ichap13para1.
DM-6.
Dans un parc éolien d’une certaine densité, les éoliennes qui se trouvent derrière par rapport à la direction du vent reçoivent moins de vent. C’est une limitation connue.
DM-7.
Dans le film Daens, ce sont des femmes. (Stijn Coninx, Daens, 1992, 2 h 18 min, www.imdb.com/title/tt0104046/.)
6-58.
Louis C. Hunter, A History of Industrial Power in the United States, 1780-1930. Volume One: Waterpower in the Century of the Steam Engine, Charlottesville, 1979, p. 116. Emphasis added.
DM-8.
Au troisième paragraphe de ce chapitre, Malm signale que fétichisme vient d’un verbe latin pour manufacturer (en fait de l’adjectif factitius), par le portugais (où cela désignait les amulettes « fabriquées » observées en Afrique de l’Ouest. De fait, le dictionnaire van Dale en néerlandais donne comme étymologie feitiço en portugais et pour le TLFi, c’est passé au français comme fetisso par emprunt au néerlandais.
DM-9.
C’est faux de trois manières : (i) il faut les construire ; (ii) il faut les surveiller et les entretenir ; (iii) cela peut induire un dynamisme économique dans lequel des emplois se créent ailleurs.
9-28.
Russell, Treatise, 239; Fairbairn, ‘Expansive,’ 21.
9-29.
CM 22 July 1824; SPCK, Industry, 62; H. Reid, The Steam-Engine, London, 1840, 165.
DM-10.
C’est bien plus loin, au chapitre 2, que Marx utilise le mot Stoffwechsel, et pas du tout dans le sens de métabolisme avec la nature, mais d’échange de matières déterminées (au lieu d’échange de valeurs). (En anglais, « a functionally determined exchange of matter » ; en français « un échange de substances fonctionnellement déterminé ». En fait Stoffwechsel ne veut jamais dire métabolisme par rapport à la nature dans le Livre II.)
13-56.
Lefebvre, The Production of Space, Oxford, 1991 [1974], p. 49.
13-57.
Ibid., p. 307, p. 101, p. 120.
13-58.
N. Smith, Uneven Development : Nature, Capital, and the Production of Space, Athens GA, 2008 [1984], p. 115, p. 7.
13-59.
Lefebvre, op. cit., p. 229.
13-72.
K. Marx, Capital, Vol. 1, London, 1990 [1867], p. 533-534 [DM : sans doute réédition de Penguin 1976 ; la pagination correspond]. C’est Malm qui souligne. [DM : Curieusement, les traducteurs de MECW 35:413 n’ont pas écrit « in full awareness of the situation », mais c’est bien dans le texte de Marx : MEW 23:432 et même dès 1867, p. 399-400 : « und vollem Bewusstsein » ; en français, Capital I (1993), p. 460.]
13-73.
MECW, Vol. 33, 335. C’est Marx qui souligne.
13-86.
Automation, then, does not only rest on consumption of energy in greater quantities, the aspect emphasised by e.g. R. Christie, ‘Why Does Capital Need Energy ?,’ in T. Turner and P. Nore (eds.), Oil and Class Struggle, London, 1980, p. 16, p. 19 ; H. Cleaver, Reading Capital Politically, Edinburgh, 2000 [1979], p. 102-103; K. Abramsky, ‘Energy, Work, and Social Reproduction in the World-Economy,’ in K. Abramsky (ed.), Sparking a Worldwide Energy Revolution: Social Struggles in the Transition to a Post-Petrol World, Oakland, 2010, 100. It also demands certain qualitative attributes of the energy source, namely various shades of abstractness coming together in a general potential for full internalisation within capital. A similar argument to the one offered here is sketched in P. Burkett and J. Foster, ‘Metabolism, Energy, and Entropy in Marx’s Critique of Political Economy: Beyond the Podolinsky Myth,’ Theory and Society 35 (2006), p. 133; T. Keefer, ‘Of Hand Mills and Heat Engines: Peak Oil, Class Struggle, and the Thermodynamics of Production,’ research paper, York University, 2005, p. 22-23; T. Keefer, ‘Machinery and Motive Power: Energy as a Substitute for and Enhancer of Human Labour,’ in Abramsky, Sparking…, p. 81-90; M. Steinberg, ‘Marx, Formal Subsumption and the Law,’ Theory and Society 39 (2010), p. 177; Burkett, Marx, p. 67; Huber, ‘Energizing,’ p. 110.
13-87.
Marx, Grundrisse, London, 1993 [1857-1858/1973],p. 651.
13-117.
J. Nef, The Rise of the British Coal Industry, Abingdon, 1966 [1932], Vol. 1, p. 316. See further p. 156, p. 265, p. 310-316, p. 343 ; Nef, Rise, Vol. 2, p. 329-330. Similar conflicts in eighteenth- and nineteenth-century Wales are charted in B. Osborne, 1978, « Commonlands, Mineral Rights and Industry : Changing Evaluations in an Industrializing Society », Journal of Historical Geography 4 (1978).
14-34.
M. Hart-Landsberg and P. Burkett, ‘China and the Dynamics of Transnational Accumulation : Causes and Consequences of Global Restructuring,’ HM 14 (2006), p. 3-43 ; C. Lee, Against the Law: Labor Protests in China’s Rustbelt and Sunbelt, Berkeley, 2007 ; P. Bowles and J. Harriss (eds.), Globalization and Labour in China and India : Impacts and Responses, Basingstoke, 2010 ; China Labour Bulletin, ‘Swimming Against the Tide : A Short History of Labor Conflict in China and the Government’s Attempts to Control it,’ research note, 2010.
DM-11.
Ce n’est vrai qu’en apparence : on tire l’électricité du ménage des panneaux sur son propre toit, mais, à moins de coûteuses et volumineuses batteries, ça suppose qu’on puisse en revendre et en racheter sur le réseau. Plus généralement, l’intermittence demande des solutions hypercentralisées (et des investissements très lourds). Il faut une coûteuse centralisation et les capitalistes ne vont pas le faire spontanément. On ignore que ce sont, paradoxalement, les centrales classiques qui sont à « circuit court » : elles sont proches des grandes villes et des grandes zones industrielles. Il y a réseau local de grande capacité entre centrale électrique, zone industrielle, société de distribution à basse tension et seulement des lignes plus légères pour les échanges entre réseaux locaux. Les énergies de source renouvelable demandent au contraire des lignes de grande capacité sur de longues distances.
15-36.
W. Jevons, The Coal Question : An Inquiry Concerning the Progress of the Nation, and the Probable Exhaustion of our Coal-Mines, London, 1866, p. 152.

J’ai découvert le livre à travers la recension par Troy Vettese dans Jacobin et, parce qu’elle me semblait assez farfelue, j’en ai cherché d’autres… avant d’acheter le livre pour en avoir le cœur net. J’ai trouvé les recensions suivantes, dans l’ordre chronologique. (Certains ont eu le livre en mains fin 2015, avant sa parution en janvier 2016.)

La plupart suivent Malm par conviction verte, parfois aussi par solidarité trotskiste. Tomaney (7-7-2017) aussi présente tout à fait positivement le livre, mais avec une réserve à la fin sur la dimension théorique. Bryce (5-2-2016) présente une critique plus matérialiste, mais de droite, donc très méprisante pour le marxisme de Malm. Le livre n’aurait-il eu, sauf exception, que des lecteurs partageant la même orientation ?

Acheté en EPUB chez Verso le 8 septembre 2017.
Notes
*
J’utilise ici le mot français paragraphe dans son sens français de subdivision d’une division d’un texte, généralement d’un chapitre. (Article paragraphe du Trésor de la langue française informatisé, TLFi.) Les paragraphes peuvent être numérotés et il existe un signe particulier, §, à mettre devant le numéro si on le désire. Le Livre I du Capital de Marx, par exemple, est divisé (à partir de 1872) en sections (Abschnitt) et celles-ci en chapitres (Kapitel), et ceux-ci peuvent avoir des subdivisions numérotées. Pour moi, la division en dessous de chapitre, je l’appelle paragraphe. [Le paragraphe anglais est l’alinéa du français (que l’on appelle aussi — abusivement, dit le TLFi — paragraphe en français) et le paragraphe du français est en anglais plutôt section. Les sections du Livre I du Capital sont parts en anglais. le signe Unicode U+00A7 § est appelé SECTION SIGN, paragraph sign in some European usage. Malheureusement les premiers traducteurs de programmes de traitement de texte ont paresseusement repris en français le mot anglais. Il en résulte qu’aujourd’hui la plupart des gens ne connaissent plus le sens ordinaire, premier, de paragraphe et ne disent paragraphe que pour alinéa, dont ils ont jusqu’à oublié l’existence.]