Dominique Meeùs
Dernière modification le   
Bibliographie : table des matières, index des notions — Retour à la page personnelle
Auteurs : A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z,
Auteur-œuvres : A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z,

Claude-Louis Gallien, Homo, 2002

Claude-Louis Gallien, Homo : Histoire plurielle d’un genre très singulier, Presses universitaires de France, Paris, 2002, PUF Quadrige no 364, 467 pages, ISBN : 2-13-052196-7.

Il s’agit d’un livre extrêmement riche, qui parcourt l’histoire des idées sur le vivant, l’évolution et l’homme, mais donne ce faisant l’état actuel des connaissances scientifiques en la matière.

Sommaire

Dans cette table, les titres qui sont des liens renvoient plus bas à des citations ou commentaires.

  • Préface d’Yves Coppens → 11
  • Chapitre I — La création de l’homme → 13
    • Les mythes fondateurs → 13
    • Mythes et religions de l’Occident → 18
    • Mythes et voies d’éveil de l’Asie → 21
    • La science première → 22
    • La genèse et les certitudes de la chrétienté → 34
    • La procréation et la génération spontanée → 54
  • Chapitre II — Un certain doute… → 59
    • Géologie et histoire de la Terre → 59
    • Histoires et querelles de générations → 66
    • Fossiles et histoire de la vie → 75
    • L’homme : diversité, mais surtout… pas d’histoire ! → 79
  • Chapitre III — Histoires... naturelles → 87
    • Transformisme et catastrophisme → 88
    • L’uniformitarisme → 94
    • L’évolutionnisme → 96
    • La théorie cellulaire et la procréation → 101
    • L’origine de l’homme → 104
    • Le chaînon manquant → 113
    • La diversité humaine et la notion de « race » → 119
    • La nuit des temps → 124
  • Chapitre IV — Datation relative et datation absolue → 131
    • Les premières chronologies → 131
    • Radioactivité et âge de la terre → 134
    • Techniques radiométriques de datation → 136
    • Autres méthodes de datation → 142
    • Les horloges moléculaires → 145
    • Les grands âges de la terre et de la vie → 149
  • Chapitre V — L’espèce humaine en famille → 159
    • L’Homme, tel qu’en lui-même → 159
    • L’Homme remis en place → 163
    • Un grand singe « pas comme les autres » → 169
    • Bébé d’homme et bébé singe → 182
    • Les chromosomes ont de la mémoire → 186
    • Anthropologie moléculaire → 197
    • Petites causes, grands effets → 200
  • Chapitre VI — Les grands ancêtres → 203
    • Les « vieux singes » du Fayoum → 203
    • Proconsul et les premiers hominoïdes africains → 206
    • Ouverture sur l’Eurasie → 210
    • Retour en Afrique : la fracture → 217
    • Comment devenir un singe vertical → 223
  • Chapitre VII — Le singe du sud et l’homme habile → 233
    • Un berceau africain pour l’humanité → 233
    • Des australopithèques à foison ! → 239
    • Les australopithèques graciles → 247
    • Les australopithèques robustes → 254
    • Station érigée et « rubicon cérébral » → 255
    • Homo habilis : l’invention de l’humanité → 267
  • Chapitre VIII — Les archanthropiens : Homo erectus → 280
    • Aux quatre coins du monde → 281
      • L’Homme de Java → 281
      • L’Homme de Pékin → 285
      • Les premiers Européens → 288
      • Les « Hommes debout » africains → 290
    • Les gens du voyage → 293
      • Le peuplement de l’Asie → 295
      • Le peuplement de l’Europe → 297
    • Les Homo erectus classiques → 300
    • Les hommes-charnière : paléanthropiens et pré-néandertaliens → 308
    • Des hommes et des climats → 310
  • Chapitre IX — L’homme européen de Néandertal et ses « cousins exotiques » → 315
    • Trop vilain pour être un homme → 315
    • Caricature et portrait-robot → 319
    • L’homme qui venait du froid → 324
    • Un Européen très spécial → 329
    • Vie sociale, outillage et culture → 334
    • Les cousins « exotiques » → 344
      • L’Homme de Solo → 344
      • L’Homme de Dali → 347
      • L’Homme de Rhodésie → 347
    • Partis sans laisser d’adresse → 350
      • Les Hommes de Cro-Magnon → 350
      • Européens de souche ou immigrés récents ? → 353
      • Cohabitation en Palestine → 354
      • Main basse sur l’Europe → 356
  • Chapitre X — Les voies de la sagesse → 361
    • Les premiers Homo sapiens → 361
    • Totem monocentriste et arche de Noé → 364
    • Candélabre et dents en pelle → 370
    • L’évolution réticulée → 374
    • Mise en scène pour un Homme nouveau → 376
      • Le réservoir africain → 377
      • Le carrefour palestinien → 377
      • La conquête de l’Eurasie → 378
      • Les premiers Américains → 379
      • Premiers pas en Australie → 382
    • Le Paléolithique supérieur → 387
      • Les techniques → 387
      • La culture → 389
  • Chapitre XI — Homo communicans → 399
    • La prise de conscience néolithique → 399
    • La mémoire génétique de l’humanité → 411
      • Capacité de stockage de la mémoire génétique → 411
      • Capacité d’expression du génome « utile » → 413
      • Polymorphisme génétique au sein du genre humain → 414
      • Polymorphisme et races humaines → 414
    • La neuromémoire individuelle → 419
    • La mémoire collective externe → 423
      • La mémoire écrite → 423
      • Banques de données et ordinateurs → 428
  • Bibliographie générale → 435
  • Index des noms cités → 443
  • Index général → 451

Chapitre V — L’espèce humaine en famille → 159

Petites causes, grands effets → 200

On pourrait s’étonner que des espèces ayant en commun plus de 98 % de leur génome, comme l’Homme et le chimpanzé, puissent malgré cela être aussi différentes morphologiquement et psychiquement. En fait, l’idée qu’à un gène correspond un caractère et qu’à une somme de gènes correspond une somme de protéines et une somme de caractères dont l’ensemble caractérise une espèce correspond à une simplification abusive. Le mode d’action des gènes et des protéines, c’est-à-dire le mécanisme qui aboutit à édifier les structures et les fonctions d’un être vivant, est fondé sur des réactions et des interactions combinatoires entre des gènes ou des groupes de gènes, des protéines ou des groupes de protéines. Les possibilités diverses issues de ce mode de fonctionnement interactif sont encore démultipliées par le fait que les gènes ont une structure discontinue, « mosaïque », qui leur permet de faire varier leur potentiel d’informations, et que les protéines qu’ils codent peuvent aussi, par le jeu de reploiements multiples, diversifier leurs fonctions. Au total, cette combinatoire impliquant un nombre relativement réduit d’éléments informatifs (35 000 gènes) permet de produire une variété considérable de structures et de fonctions, ce qui implique des conséquences énormes au niveau de l’organisme vivant (Homme… ou chimpanzé !).

P. 200.

Chapitre VI — Les grands ancêtres → 203

Comment devenir un singe vertical → 223

Les scénarios les plus populaires, font la part belle à un Darwinisme très classique, et témoignent d’une vision gradualiste de l’évolution fortement teintée de ce qui pourrait apparaître comme un Lamarckisme latent. Ils attribuent à des changements survenus dans l’environnement naturel le déclenchement, l’orientation et la sélection des variations successives conduisant progressivement à l’hominisation. Dans ce contexte, la première adaptation, qui entraîne et conditionne toutes les autres, est l’acquisition de la bipédie. Nous retiendrons à titre d’exemple la « théorie de la savane » qui est particulièrement représentative de cette façon de voir, et comporte de nombreux éléments dignes d’êtres pris en considération.

D’autres hypothèses font référence à une évolution discontinue des schémas morphogénétiques chez les primates, les modifications successives allant toutes dans le même sens pour aboutir irrémédiablement au plan d’organisation propre au genre humain. Ce type de raisonnement donne volontiers la priorité à l’évolution du cerveau sur l’acquisition de la bipédie ; il est enrichissant mais n’évite qu’imparfaitement de glisser vers une vision finaliste de l’évolution dans laquelle l’Homme apparaîtrait comme l’aboutissement d’un « projet » biologique. La « théorie du grand attracteur » est significative de cette façon de voir.

Il est possible, enfin, de faire la synthèse entre la théorie de la savane et celle du grand attracteur, en « gommant » au passage leurs aspects les moins documentés ou les plus hasardeux, et en s’appuyant sur quelques acquisitions récentes de la génétique moléculaire du développement. C’est l’hypothèse de la « protéine du silence », qui associe la notion d’ évolution discontinue à celle de la sélection graduelle.

P. 224.

— La théorie de la protéine du silence, qui propose une bonne recette pour devenir un singe vertical (et pour diffuser et développer cette aptitude), s’appuie sur la découverte, chez la drosophile d’une petite protéine très spéciale. La protéine de choc thermique HSP 90 a été mise en évidence en 1999 par Susan Lindquist et Suzanne Rutherford de l’Université de Chicago ; c’est une protéine « chaperonne » qui contrôle les changements de conformation — c’est-à-dire l’activité — d’autres protéines, codées par des gènes architectes et impliquées dans la morphogenèse au cours du développement.

Lorsque les gènes architectes sont touchés par des mutations, ils codent des protéines du développement dont la conformation est aberrante. Dans des conditions d’environnement habituelles, HSP 90 se fixe sur ces protéines anormales et restaure une conformation fonctionnelle. Des mutations touchant les gènes architectes peuvent donc être transmises de génération en génération et s’accumuler dans le génome, sans jamais s‘exprimer et sans que la morphogenèse des organismes successifs soit perturbée.

Lors d’un stress, provoqué par des modifications brusques de l’environnement, HSP 90 n’est plus en mesure de jouer son rôle. Les mutations mises en réserve dans le génome, et qui étaient jusqu’alors demeurées silencieuses, s’expriment toutes à la fois au cours du développement, provoquant une morphogenèse atypique.

Si on admet que les observations effectuées chez la drosophile peuvent être généralisées (ce qui n’est pas démontré), cela signifie que des anomalies du développement ne résultent pas nécessairement de façon directe de modifications affectant l’environnement, mais qu’elles pourraient en quelque sorte préexister et se manifester à l’occasion d’un événement particulier. Les gènes mutés dormants accumulés chez divers individus constitueraient une sorte de « réserve évolutive », susceptible de répondre à une situation qui met l’espèce en difficulté, en donnant naissance à un foisonnement d’espèces nouvelles, morphologiquement différentes, et dont certaines pourront être en mesure de s’adapter à une situation différente.

P. 229.
Acheté chez Pêle-Mêle à Bruxelles début janvier 2018.