Dominique Meeùs
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Paul Cockshott, How The World Works, 2019, notes de détail

Paul Cockshott , How The World Works : The Story of Human Labor from Prehistory to the Modern Day, Monthly Review Press , 2019, 376 pages, ISBN : 978-1-58367-777-3. (ISBN cloth : 978-1-58367-778-0, ebook : 978-1-58367-779-7.)

Ce livre non sans qualité, je lui trouve aussi pas mal d’insuffisances. J’avais donc commencé par une critique a priori négative, basée surtout sur ma lecture des premiers chapitres. J’ai résolu ensuite de recenser le livre en deux pages : une recension d’ensemble qu’on trouvera en Cockshott 2019 ; cette page-ci, pour chicaner sur les détails. Dans l’immédiat, cette page-ci c’est celle que j’avais écrite d’abord. Je dois encore progressivement la spécialiser dans son nouveau rôle tel qu’annoncé ci-avant.

Ce livre de 2019 repose souvent sur l’autorité de textes un peu anciens. Sur la préhistoire, Marshall Sahlins 1972, Mark Cohen 1977, Claude Meillassoux 1981. C’est un domaine très délicat, très actif, où on a fait de grands progrès et parfois rectifié de vraies erreurs. Pour la question des femmes, Claude Meillassoux 1981 encore, et Maria Mies 1981. Outre les limites de ce dernier texte en lui-même, c’est trop vieux : sur le passé des rapports entre femmes et hommes, on dépend aussi des progrès récents sur la préhistoire.

9 Preface for the General Reader11 Comments for More Technical Readers

Paul Cockshott est ingénieur informaticien1 et a une bonne culture scientifique. Il estime devoir réagir, redresser la barre, contre la tradition, trop sciences humaines, du courant dit du marxisme occidental (p. 11). Il estime qu’on oublie aujourd’hui que Marx a introduit au 19e siècle « a bold, technologically determinist view of society ». Ça commence mal. Je suis d’accord avec l’auteur qu’il faut se méfier des marxistes occidentaux, mais ce qu’il dit là de Marx est complètement faux. J’y reviens à propos du début du chapitre 2.

15 Chapter 1
Introduction

La société humaine doit travailler pour vivre, avec une certaine division du travail, dans certains rapports sociaux. Il y a d’autres animaux sociaux et il développe (p. 16) l’exemple des termites avec division du travail et rapports sociaux. La différence avec les humains est que les termites et d’autres insectes sont polymorphes et biologiquement spécialisés à une certaine fonction. Les humains sont biologiquement polyvalents et c’est culturellement qu’ils se spécialisent plus ou moins dans la division du travail (p. 19).

Nous avons cependant un dimorphisme sexuel qui joue un rôle considérable dans la division du travail (« slighter differences that impinge profoundly on our social division of labour »). Il appelle à ce sujet une note 3, p. 346 où il cite Maria Mies, 1981, « The social origins of the sexual division of labour ». Le passage cité souligne la distinction sociale entre production des moyens d’existence et production de la vie (gestation et allaitement).. Curieusement, Paul Cockshott mentionne ça juste en passant. Après avoir dit que c’est de la plus haute importance, il n’en dit plus rien. Il est étonnant aussi que sur un sujet de la plus haute importance (et pour n’en rien dire), il cite un unique article de 1981 et rien d’autre. On a cependant dû publier beaucoup de choses intéressantes depuis quarante ans sur la question des femmes, et de plus haut niveau.

En outre, la compétence des insectes dans le travail qu’ils ont à faire est génétique (p. 20), tandis que chez nous (et dans une certaine mesure chez certains autres primates) les compétences sont transmises culturellement. La technologie des insectes progresse par l’évolution génétique2. Dans notre espèce, le développement technologique nous permet de changer en profondeur la division du travail et les rapports sociaux.

Parce qu’une espèce doit se reproduire, il considère (p. 21) la production de la vie comme la branche la plus basique, fondamentale dans la division du travail.3

27 Chapter 2
Pre-Class Economy

Marx a fait sur l’histoire et la société des remarques qu’on peut qualifier à bon droit de matérialistes, surtout le fait que ce sont les conditions d’existence qui déterminent la conscience et pas le contraire. Mais les conditions d’existence, ce sont avant tout les rapports sociaux. Les rapports sociaux sont bien sûr liés aux techniques que la société maîtrise ou non, sont dans un possible limité par ces techniques, mais on ne peut parler chez Marx de « vision technologiquement déterministe de la société » comme Paul Cockshott l’écrit dans son introduction (p. 11).

Selon Paul Cockshott, Marx donne en 1859 dans la préface de la Contribution… un bref sommaire de sa « vision de l’histoire économique » et cette vision est affinée4 avec Engels dans l’Idéologie allemande de 1846, dans le Manifeste de 1848 et dans Engels et Hunt 20105. Je suis d’accord avec Paul Cockshott quand il dit « vision » de l’histoire. Sur le capital, Marx a travaillé la plus grande partie de sa vie et il en est sorti une solide théorie du capital. Jamais Marx n’a fait la théorie du matérialisme historique, ni sous ce nom (il ne l’utilise pas6) ni sous aucun autre nom. Sur le matérialisme historique, il n’y a chez Marx rien d’autre que quelques considérations générales informelles, brèves et schématiques en 1859, plus longues en 1846, une vision — pas une théorie. Faire une théorie achevée de l’histoire, ce serait aussi l’œuvre d’une vie et Marx n’en avait pas eu le temps en 1846. Il a assurément beaucoup lu sur l’histoire. Dans le Capital, il fait dans le texte ou en note de bas de page d’importantes considérations comparatives avec des époques antérieures, mais ça ne nous donne pas une théorie de l’histoire. Dans une lettre sur l’histoire, il semble même contester qu’une telle théorisation de l’histoire soit tout simplement possible. Dans une lettre de 1890, Engels juge important de mettre en garde contre la réduction du matérialisme historique à un déterminisme économique.

Adam Smith déjà supposait que le développement social de l’humanité était passé par différents stades (p. 27)7. Paul Cockshott fait sienne une division de l’évolution des sociétés, de manière peu critique, essentiellement celle Smith puis d’un certain marxisme schématique : économie d’avant les classes (ce chapitre 2), économie de l’esclavage (chapitre 3), économie paysanne (au chapitre 4, il dénie toute spécificité à la féodalité), économie capitaliste (chapitre 5), économies socialises (chapitre 6). (Il admet que ces stades n’apparaissent pas partout au même moment et peuvent coexister.)

28 2.1 Agriculture

Carnivores, les chasseurs-collecteurs sont un cran plus loin dans la chaîne alimentaire que les herbivores (p. 28) ce qui s’oppose à une forte densité de population. (Son argument ne vaudrait que s’il avait établi que la viande était partout et toujours l’aliment principal des chasseurs-collecteurs.) Il admet (p. 29) qu’on ne peut savoir grand chose des sociétés de l’âge de la pierre, si ce n’est par comparaison avec des chasseurs-collecteurs plus proches de nous. Cela dit, il fait des considérations générales sur ces civilisations proches ou lointaines. Comme il a dit « Stone Age » p. 29, il nous expose donc des traits généraux de la civilisation de nombreuses populations de nombreuses espèces animales différentes sur plus de trois millions d’années8.

« Sharing is widespread. » (P. 30.) Pour Maria Mies, 1981, qu’il a citée sur les femmes et les hommes p. 19, note 3 (p. 346), c’est le contraire, mais Paul Cockshott doit être plus près de la vérité sur ce point.

Les chasseurs-collecteurs sont nomades, bien qu’il y ait au mésolithique une transition vers la sédentarité (p. 33). Il semble que les agriculteurs doivent travailler plus que les chasseurs-collecteurs. C’est donc un choix étrange. Il se peut que les chasseurs-collecteurs, ayant épuisé le gibier (p. 35-36), ayant une trop forte empreinte écologique dirais-je dans le langage actuel, ont été obligés de descendre d’un cran dans la chaîne alimentaire (dont question p. 28). Je trouve Paul Cockshott un peu léger sur le plan diététique. Placer les chasseurs-collecteurs à ce qu’il appelle niveau trophique 3, comme principalement carnivores, c’est oublier qu’ils étaient omnivores et que la composante carnée a dû être extrêmement variable sur trois millions d’années. Si vraiment ils avaient été principalement carnivores, on les voit mal devenir tout à coup joyeusement végétariens. Il se contredit en fait l’instant d’après : p. 37, sur l’autorité de Maria Mies 1981, il dit (de ces chasseurs-collecteurs de niveau trophique 3 en tant que carnivores pour l’essentiel) qu’ils vivaient principalement de calories d’origine végétale, fournies par les femmes, selon la division sexuelle du travail, division primitive du travail. P. 24, il a dit que la maîtrise du feu remonte à environ 400 000 ans. Ce nouvel acquis a des conséquences considérables sur le type d’alimentation, ce qui interdit de situer trois millions d’années au même niveau trophique 3.

40 2.2 Reproduction

Quelques calculs sur fécondité, mortalité, population en âge d’activité, productivité… conduisant à l’équation (ou plutôt l’inégalité) de la productivité condition de survie de la société agricole sans classes.

pb ≥ ((A + E)α + Cβ)(1 + w/f)/A

Ce n’est bien sûr que de l’arithmétique élémentaire, mais je suis trop fainéant (et trop peu convaincu de l’intérêt) pour essayer de le suivre ici.

42 2.3 Class Formation

Il peut y avoir une spécialisation où des artisans sont nourris par le reste de la population en échange du service qu’ils rendent (p. 42). Paul Cockshott parle de classe lorsque des gens, statutairement, ne travaillent pas mais vivent du travail des autres (p. 43). Il est normal que les producteurs de nourriture comprennent l’intérêt d’avoir des artisans. Il est plus difficile de comprendre pourquoi ils acceptent de nourrir des profiteurs. C’est l’objet du paragraphe suivant.

45 2.4 War, Patriarchy, Religion, and the Laws of Statistics

Peu de guerres chez les chasseurs-collecteurs. Cependant, kidnapping de femmes (p. 46), selon Claude Meillassoux 1981. Je n’ai pas encore lu ce paragraphe jusqu’au bout, vraiment sur la question des classes.

51 Chapter 3
Slave Economy

Un esclavage significatif n’a de sens que pour vendre le surplus sur un marché, ce qui suppose une population urbaine et des moyens de transport, et un marché d’esclaves (p. 51).

51 3.1 Technology Complex

Comme Paul Cockshott est (comme il le dit à tort de Marx aussi) technologiquement déterministe, il nous gratifie d’un paragraphe technique sur la navigation à voile. On n’aura la clef de cet excursus qu’au chapitre suivant, page 81 : pour lui, les économies de l’esclavage, bien qu’éloignées dans l’espace et dans le temps, ont en commun d’être côtières de commerce maritime.

Il ne donne rien à l’appui de cette affirmation, qui ne me convainc qu’à moitié. Des fantassins ne pouvaient-ils pas aller à pied faire la guerre aux frontières et en ramener à pied une colonne de prisonniers en esclavage ? L’Égypte ancienne exploitait durement ses propres paysans, mais aussi des esclaves, et ce n’est certainement pas une grande puissance maritime. L’esclavage historique en Afrique est bien connu, avec des routes terrestres.

56 3.2 Scheme of reproduction

Paul Cockshott ne nous parle pas d’histoire, mais du système. Le système est éclairé par quelques exemples historiques. Ainsi Athènes (antique), la Rome antique, le Brésil (il ne dit pas quand, mais là j’admets un manque d’érudition de ma part) et le sud des États-Unis ont tous eu (selon Finley 1981) une minorité significative d’esclaves d’un quart de la population. Pour l’essentiel (p. 57), on est donc (à Athènes, à Rome, au Brésil et dans le sud des États-Unis ?) devant des latifundia de riches propriétaires d’esclaves. Ceux-ci dégagent de gros surplus qui sont vendus à de grandes villes. Les villes ont de l’argent pour acheter parce que c’est là qu’habitent les latifundistes et donc là que ces derniers dépensent leur argent. Une partie ne va pas aux villes locales, mais au marché mondial (p. 58). Le marché des esclaves est plutôt international aussi. Le surplus exporté achète les esclaves. (Sans doute, les latifundistes et leur surplus n’allaient pas à la voile de la campagne à la ville voisine.)

58 3.3 Contradictions and Development

Le système de l’alinéa précédent est bien sûr une simplification (p. 58). (Les esclaves ne font qu’un quart de la population et les citadins pas toujours les trois autres quarts.) Il y a aussi des paysans libres qui vendent une partie de leur produit aux villes. Cependant le surplus des latifundia esclavagiste fait l’essentiel des échanges avec les villes.

Paul Cockshott mentionne sur la fin de l’esclavage l’hypothèse de Michael Rostovtzeff 1927 selon lequel le développement du reste du monde l’a rendu moins dépendant de l’Empire romain, lequel a ainsi perdu son débouché et a dû se replier sur d’autres formes d’exploitation.

Il note p. 60 que l’esclavage suppose une superstructure politique qui s’appuie sur assez de citoyens libres pour contrebalancer les esclaves, mais qu’il y a alors conflit entre ces citoyens libres et les grands propriétaires d’esclaves, comme à Rome dans la maturité de la République. Il attribue de même (« similar conflict ») la naissance de la démocratie à Athènes au conflit entre la classe des grands propriétaires d’esclaves et la classe des paysans indépendants. C’est là je pense qu’on commence à bien voir en quoi « l’économie de l’esclavage » de Paul Cockshott est une généralisation abusive, une science de surface, scientifique seulement en apparence. Je ne suis pas un professionnel de l’histoire, mais je suis convaincu que la configuration des classes du temps de Solon est très différente de celle du temps de Jules César9.

Marx aussi cherche des traits généraux dans l’histoire, mais faire de l’histoire en marxiste, c’est d’abord l’histoire et une prudente systématisation seulement sur la base d’une connaissance profonde et concrète de l’histoire. Les faits réels concrets ont priorité sur la théorie. Paul Cockshott, construisant de la théorie sur le sable, apparaît donc là comme le contraire du marxisme.

61 3.4 Human Reproduction

La question de la continuité, achat de nouveaux esclaves sur le marché ou reproduction sexuelle des esclaves.

65 3.5 Commodities and Prices

Les marchandises, le marché, le travail, la valeur avant le capitalisme. Je n’ai pas encore lu ce passage. Ce sont de bonnes questions et je ne peux exclure à priori que là Paul Cockshott ait des choses intéressantes à dire. Il faut que j’y revienne le plus tôt possible, après avoir dit un mot de son traitement de la féodalité.

81 Chapter 4
Peasant Economy

Paul Cockshott réunit dans un concept général de mode de production de l’économie paysanne toutes les sociétés principalement agricoles, basées principalement sur des unités de production de taille familiale. Il considère qu’il y a là une « ressemblance de famille » (c’est moi qui le dit ainsi, avec une expression de Wittgenstein) suffisante pour qu’il soit intéressant de les examiner ensemble, même si l’extraction du surplus de ces paysans prend selon les sociétés des formes différentes, par des classes différentes. fait la différence entre féodalité et propriété foncière au sens ou nous l’entendons aujourd’hui. Il les. Que le surplus soit accaparé par un seigneur féodal en raison de son statut ou contractuellement, sous forme de loyer, par un propriétaire, il voit ça alors plutôt comme une différence dans la superstructure. De nouveau, je suis tenté de voir là une généralisation abusive, mais comme ce que j’en dis ci-dessus, c’est seulement ce que je tire d’une lecture en diagonale, je dois réserver mon jugement jusqu’à avoir mieux étudié ce chapitre.

Acheté le 5 octobre 2021 (par AbeBooks) à The Monster Bookshop, Fleckney. Reçu le 19.
Notes
1.
On peut supposer qu’il a utilisé des moyens sophistiqués d’édition du texte et de gestion des notes, de la bibliographie et de l’index. Cependant il appelle p. 28 une note 8 qu’on trouve p. 347 avec à la fin une référence à Marx et al. 1978. Mais dans la bibliographie, on trouve Marx et Engels, Marx et Guesde ; aucun Marx et al. C’est en réalité Marx 1978.
2.
Il n’a sans doute pas lu Stephen Gould, qui met en garde contre l’idée, fausse, que l’évolution va vers le « progrès ».
3.
Paul Cockshott ne dit jamais ce qu’il appelle division du travail (ni travail). On comprend qu’il l’entend ici dans un sens très large et ça explique rétrospectivement l’importance qu’il donne (p. 19) à la citation de Maria Mies. Sans doute faut-il comprendre division du travail et travail chez lui de manière plus étroite ou plus large selon le contexte et c’est probablement large seulement ici, p. 19 et 21, et au sens habituel du travail de production sociale de moyens d’existence partout ailleurs. Quand p. 27 il réduit le matérialisme historique à « histoire économique », cela semble indiquer qu’il en revient à une conception habituelle du travail et de la division du travail dont la production de la vie n’est pas une « branche ».
4.
En anglais, « refined ». Je trouve étrange qu’on puisse « affiner » en 1846 un schéma de 1859, mais, bon, admettons : la préface de 1859 est effectivement sommaire et les passages correspondants de l’Idéologie allemande sont plus longs.
5.
C’est quoi Engels et Hunt 2010 ? me direz-vous. Bravo, ça montre que vous ne vous êtes pas endormis en me lisant. À vrai dire, c’est un mystère. Je ne connais aucun Hunt avec lequel Engels aurait écrit un ouvrage commun. Voyons donc la bibliographie, me direz-vous. L’ennui, c’est que dans la bibliographie, on ne trouve ni Engels et Hunt 2010, ni Engels 2010, ni Hunt 2010. Le grand ingénieur informaticien Paul Cockshott s’est pris les pinceaux dans ses bases de données bibliographiques. Heureusement, il se trouve que j’ai lu Hunt 2010, édition Penguin, de poche, de Hunt 2009. Dans l’édition de 2010 que j’ai lue, il y a p. 215-218 un exposé (pas d’Engels, mais par Hunt, citant Engels), des conceptions matérialistes historiques d’Engels.
6.
Engels utilise le terme pour la toute première fois sept ans après la mort de Marx, dans une lettre à Conrad Schmidt à Berlin, de Londres le 5 août 1990. Il y revient dans sa lettre à Joseph Bloch à Königsberg, de Londres les 21-22 septembre 1890, où il renvoie à son Anti-Dühring et à son Feuerbach.
7.
Pour Smith, Paul Cockshott (p. 27) renvoie à Meek et al. 1978… qui manque dans sa bibliographie. Ah ! mais, j’y suis. En gougueulant Meek et al. 1978 Smith, je trouve que c’est une édition de Smith et de fait, dans la bibliographie, au lieu de Meek et al. 1978, je trouve alors bien Smith 1978 (édité par Meek et al.).
8.
Du temps de Marx et d’Engels, et pour moi encore à l’école au milieu du 20e siècle, la préhistoire, ça voulait dire la civilisation d’êtres humains taillant des silex comme outils. On les appelait hommes des cavernes en raison de leur habitat sous nos latitudes, bien qu’on mentionnait aussi des cités lacustres (sans doute sous des cieux plus cléments). On en connaît aujourd’hui, malgré les difficultés, beaucoup plus qu’au 19e siècle. Ardipithecus ramidus, Wikipedia Ardipithecus ramidus (Données de https://en.wikipedia.org/wiki/Template:African_hominin_timeline comme le 23-7-2021 21:30 et de https://en.wikipedia.org/wiki/Homo, surtout pour Homo.) Australopithecus anamensis, Wikipedia Australopithecus anamensis Australopithecus afarensis, Wikipedia Australopithecus afarensis Australopithecus africanus, Wikipedia Australopithecus africanus Australopithecus deyiremeda, Wikipedia Australopithecus deyiremeda Kenyanthropus platyops, Wikipedia Kenyanthropus platyops Australopithecus bahrelghazali, Wikipedia Australopithecus bahrelghazali LD 350-1, Wikipedia LD 350-1 Paranthropus aethiopicus, Wikipedia Paranthropus aethiopicus Australopithecus garhi, Wikipedia Australopithecus garhi Paranthropus boisei, Wikipedia Paranthropus boisei Homo rudolfensis, Wikipedia Homo rudolfensis Homo habilis, Wikipedia Homo habilis Australopithecus sediba, Wikipedia Australopithecus sediba Paranthropus robustus, Wikipedia Paranthropus robustus Homo gautengensis, Wikipedia Homo gautengensis Homo erectus, Wikipedia Homo erectus Homo ergaster, Wikipedia Homo ergaster Homo antecessor, Wikipedia Homo antecessor Homo rhodesiensis, Wikipedia Homo rhodesiensis Homo heidelbergensis, Wikipedia Homo heidelbergensis Homo cepranensis, Wikipedia Homo cepranensis Homo longi, Wikipedia Homo longi Homo naledi, Wikipedia Homo naledi Denisovan, Wikipedia Denisovan Homo neanderthalensis, Wikipedia Homo neanderthalensis Homo floresiensis, Wikipedia Homo floresiensis Homo sapiens, Wikipedia Homo sapiens Paléolithique Néol … Pliocène Pléistocène Hol -4500 -4000 -3500 -3000 -2500 -2000 -1500 -1000 -500 0 (En ouvrant directement lignage.svg dans un navigateur web, le tableau s’adapte à la largeur de la fenêtre. Si on veut remonter plus loin, il y a aussi Homolineage.html.) (On pense maintenant que certains de ces gens, ne connaissant pas encore ces classifications, ont cédé à la tentation de coucher ensemble et se soient même parfois reproduits — certainement entre Homo neanderthalensis et Homo sapiens. On peut donc contester que toutes les espèces ci-dessus soient à proprement parler des espèces distinctes. Mais ça n’empêche pas le tableau de donner une certaine vue de la variété de ceux que nous appelons nos ancêtres.) Il se peut que les Kenyanthropus soient les premiers fabricants d’outils de pierre taillée, il y a 3,4 millions d’années. Les Homo ont certainement taillé des silex très tôt, et contrôlé aussi le feu il y a 400 000 ans ou plus, donc avant l’apparition, il y a 200 ou 300 000 ans, des Homo sapiens. Engels insiste sur l’importance de la main dans l’évolution qui conduit jusqu’à nous. Si on considère comme typique de la main « humaine » la taille d’outils en pierre, ça fait quand même plus de trois millions d’années et pas mal d’espèces animales différentes, chacune avec son bagage phylogénétique, à quoi il faut ajouter une grande variété de cultures. Les affirmations générales sur le mode vie de « l’humanité primitive » (sur la sauvagerie au sens de Morgan) sont forcément abusives. C’était normal du temps d’Engels, ce l’est moins aujourd’hui.
9.
J’ai le sentiment qu’on est, dans les sociétés de type athénien en Grèce antique, devant des cultivateurs propriétaires terriens qui se sont débarrassés de tout monarque pour s’organiser collectivement, entre propriétaires (seuls citoyens). Il y a des générations de développement inégal, ce qui dans ce collectif, dans ce club de propriétaires, conduit à de grandes disparités. Je suppose qu’avant même que l’esclavage soit important, il y a prélèvement par les riches d’un surplus des moins fortunés : ces derniers doivent parfois emprunter aux riches (de l’argent, une bête de trait pour une récolte, un moulin à huile…) et les riches s’enrichissent de ces dettes. Je pense au mécanisme de différentiation des koulaks d’avec les paysans moins riches après 1917 en Russie. Je soupçonne qu’un tel mécanisme a fonctionné souvent dans l’histoire, a été important à Athènes. Sans doute y a-t-il eu aussi de très gros propriétaires d’esclaves et des exploitations agricoles presque exclusivement d’esclaves. La cité-État, pour ses mines d’argent, louait des esclaves aux propriétaires. Il se peut qu’il y ait eu pour cela de gros propriétaires d’esclaves spécialisés dans la location de main d’œuvre, avec moins de production agricole. Les citoyens athéniens (ceux pour qui le problème de la démocratie se pose) sont donc, avec d’énormes disparités, agriculteurs propriétaires avec plus ou moins d’esclaves. Il est certain que, dans ce club de propriétaires, les propriétaires riches ont prétendu monopoliser le pouvoir et que Solon intervient à un moment de cette histoire pour limiter des excès, mais ce n’est pas seulement : grands latifundistes esclavagistes d’un côté contre de l’autre de petits paysans travaillant de leurs mains. J’ai l’idée que c’était plus complexe ; ce n’est pas Rome.